Plonger dans ce roman, c'est se déconnecter de notre monde enchanteur, lumineux et coloré pour un univers dévasté où la vie n'existe (presque) plus.
Des années après la catastrophe, la nature est morte : les arbres calcinés se déracinent et jonchent le sol, un brouillard de cendres flotte en permanence et recouvre tout en son passage, la lumière et les couleurs ont disparu, laissant place à un environnement obscur et navrant...
Au milieu de la prostration des cadavres, survivent cet homme et son fils, dont la relation est sublime. Ensemble, ils mènent une lutte acharnée pour préserver leur raison d'être : l'espoir (il a beau n'avoir aucun fondement et tenir de l'absurde quand tous les possibles se sont éteints, l'espoir fait vivre).
Le père dépend du petit autant que celui-ci dépend de son père.
L'envie de survivre, il ne la doit qu'à son fils, car c'est à travers lui que se profile encore son but ultime : œuvrer pour la sauvegarde de ce qui, en lui-même, a fané, c'est-à-dire préserver cette lueur d'espoir qui sommeille encore au plus profond de son cœur alors qu'elle a désormais, semble-t-il, déserté tous les autres survivants ; apprendre à l'enfant à ne jamais renoncer...
Le petit est l'antithèse du monde terrifiant dans lequel ils évoluent. Il pourrait être le Dieu de tous ces hommes car rien, en lui, ne semble encore s'être vraiment altéré. L'enfance prodigue une force miraculeuse. Inégalable. Il est peut-être le seul chez qui l'humanité ait perduré...
L'homme et l'enfant s'épaulent l'un l'autre. Ce don de soi contraste fortement avec cette prégnante idéologie du chacun pour soi qui sévit tout autour d'eux. Ce type de contraste et les dialogues contribuent à rendre la relation du petit et de son père profondément émouvante...
"La route" est un roman oppressant et poignant. Un bijou dont le fond et la forme resplendissent, détonnant du misérable et terne décor exposé dans le récit.
Lecteur n'en revient pas de constater combien notre monde est encore beau une fois le livre clos. La maestria de McCarthy est évidente. La puissance de "La route", irréfutable.