Le cheminement vers cet excellent livre que je viens de découvrir fut pour le moins tortueux.

J'avais lu il y a pas mal d'années le premier tome de la saga de AB Guthrie qui s'appelait "la captive aux yeux clairs" dont Hawks s'est inspiré en (toute petite) partie pour en faire le western éponyme bien connu sur la vie des trappeurs dans le Missouri.

Puis, je suis tombé sur la critique de Watchsky du roman "la route de l'ouest" qui est, en quelque sorte, une suite puisqu'on y retrouve un des personnages du premier roman, Dick Summers. Personnage qui n'est pas dans le western de Hawks, ce serait trop simple…

Bien sûr, comme on sait, "la route de l'ouest" a donné lieu au film éponyme de McLaglen dans lequel on retrouve bien le personnage de Dick Summers. Entre ces deux romans et ces deux films, il y a des liens pas forcément évidents si on ne regarde que les films.

Pour finir d'embrouiller, dans "la captive aux yeux clairs" de Hawks, le héros est un trappeur bien sympathique (Jim Deakins) qui est joué par Kirk Douglas. Tandis que dans "la route de l'ouest", il y a bien Kirk Douglas mais il joue le rôle d'un affreux politicard très antipathique (Tadlock) …

Bon, j'arrête, parce que je vois qu'il y a des gens qui ne suivent plus …

Revenons aux deux romans d'AB Guthrie.

Alors que "la captive aux yeux clairs" est un roman de découverte d'une région en quelque sorte vierge de toute présence des blancs, "la route de l'ouest" s'inscrit dans une autre optique. Le deuxième roman se déroule une trentaine d'années après dans une région autour du Missouri largement colonisée et où il y a une volonté politique d'aller occuper l'Oregon qui est une région encore aux mains des anglais. C'est la raison pour laquelle ces convois sont organisés à partir du Missouri pour atteindre L'Oregon plus de 3000 km plus à l'ouest.

Alors que le premier roman est plutôt statique voire contemplatif, les trappeurs sympathisent avec les indiens et communient avec la nature, le deuxième roman est dynamique avec cette fois des colons qui rêvent d'aventure vers un pays de cocagne mais surtout avec pour objectif clair de s'y installer. Les indiens sont désormais sur la défensive tout au long de l'expédition mais ne sont pas forcément hostiles.

Le roman "la route de l'ouest" met en présence des personnages principaux très différents entre Tadlock, le politicard qui organise l'expédition, Dick Summers, l'ancien trappeur et Lije Evans, le colon et sa famille. En définitive Guthrie va décrire la vie d'une petite population amenée à vivre en communauté pendant de longs mois, à devoir supporter les caractères des uns et des autres. Très rapidement, de nouveaux équilibres se créent au sein de la communauté faisant apparaitre des transformations dans les caractères et l'organisation. L'organisateur du convoi, Tadlock, développe de telles exigences qu'il finit par être désavoué par la plupart et remplacé par quelqu'un de plus neutre voire banal, Lije Evans qui saura mettre de l'huile dans les rouages, indispensable pour "ménager sa monture si on veut aller loin". C'est un trait très classique du fonctionnement d'une société. Pour lancer un projet (une expédition), il faut un meneur, capable de mobiliser rapidement pour vaincre les forces d'inertie en utilisant des moyens parfois coercitifs. Mais une fois le projet lancé, on est dans une dynamique qui demande, certes, toujours de la discipline mais aussi de la souplesse.

Et c'est tout-à-fait passionnant de voir la transformation progressive des personnages sous le poids des responsabilités auxquels ils sont soudain soumis.

Les personnages féminins sont remarquables dans ce roman. À commencer par Rebecca, l'épouse de Lije, qui incarne la stabilité du couple mais l'empathie pour les autres.

Tous les personnages ont, en commun, l'espoir. Mais les épreuves difficiles affectent régulièrement cet espoir comme la mère qui perd son enfant piqué par un serpent ou tel homme qui meurt des suites d'une fièvre. Guthrie nous raconte les vies des personnages à hauteur d'homme, sans filtre en dévoilant parfois jusqu'à l'intimité. Le lecteur se trouve impliqué en pleine réalité de cette formidable aventure.

Et toujours, comme dans le précédent roman, on n'échappe pas au lyrisme de Guthrie qui nous décrit des paysages âpres comme les déserts ou magnifiques comme les vallées riantes le long de fleuves nourriciers ou de plaines remplies à perte de vue de bisons.

À noter que comme le roman "la captive aux yeux clairs", ce roman est superbement postfacé par Bertrand Tavernier.


JeanG55
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le 6 mars 2024

Critique lue 40 fois

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