Le livre de Guglielmo Ferrero mets en relation la chute de l'Empire romain avec l'Histoire européenne.
Chaque historien a vu une cause principale dans cette décadence (jusqu'à récemment avec une interprétation climatique par un historien américain). Pour l'auteur, la cause principale réside dans ce qu'il appelle le "principe de légitimité" ; quand la légitimité du pouvoir ne se trouve pas, et que le régime politique tombe en quenouille (ou qu'aucun souverain n'impose un ordre, des lois clairs, ou n'est pas respecté), c'est là que commence la chute des civilisations, et des nations. Ainsi, à partir de Septime Sévère (mais préparé par la proto-décadence de Commode - on pense au film "Gladiator" bien sûr), empereur oriental, qui ne respecte pas l'autorité et la sagesse politique du vieux Sénat romain, l'Empire est incapable durant des décennies de trouver une assise stable à son pouvoir. Là commence l'impéritie permanente jusqu'au retournement par le christianisme qui, avec son système religieux, impose un fondement à la légitimité des pouvoirs en place en Europe à cette époque.
Enfin, l'auteur fait un rapide aperçu de l'Histoire européenne avec cette perspective, et beaucoup de choses deviennent claires avec cette explication. En vérité, l'Europe du 19ème siècle et du 20ème siècle, malgré sa puissance, courait vers sa ruine, à cause d'une incapacité des pouvoirs politiques de satisfaire le peuple et de donner une légitimité supra-politique à leur pouvoir.
En parallèle, je lisais "Génie de l'Architecture européenne" de Nikolaus Pevsner, et ce dernier apporte un éclairage à cette thèse notamment par l'architecture paléochrétienne de la fin de l'Empire sur laquelle il dit qu'elle reflète le pouvoir spirituel, moins classique, plus massif, d'inspiration plus orientale (hellénistique) que l'Empire romain classique.
En réalité, la chute de légitimité que constatait Ferrero pour l'Europe de son époque a continué jusqu'à aujourd'hui, et on le perçoit dans tous les pays occidentaux, surtout la France et la décrépitude de la Vème République notamment, mais aussi de l'incapacité de l'Union Européenne à faire adhérer affectivement à son projet sur les peuples européens (l'U.E. étant une sorte de création purement artificielle et technocratique).
Bref, ce petit opuscule historique, bien écrit, bien mené, se lisant facilement, fait encore sens aujourd'hui, et mets les événements en perspective avec la clef de compréhension du pouvoir se donnant une légitimité forte.