La démonstration de Ferrero est percutante : la chute de la civilisation européenne – Rome – n’est pas le fruit d’un lent affaissement mais d’une brutale crise politique au IIIème siècle de notre ère, fruit de la dégénérescence de l’aristocratie romaine et surtout de la mise à mal du principe d’autorité alors légitime, l’élection par le Sénat, par un autre principe d’autorité plus fragile encore, la force brute accordée par les légions.
Dioclétien adopte à la fin de ce siècle un nouveau système de gouvernement, la tétrarchie. Ce système, brillant et pertinent au regard des crises cumulées de l’époque, brise toutefois de manière définitive deux fondements de la civilisation romaine : l’unité de l’Etat, puisque 4 empereurs se partagent la gestion de l’empire, et le système républicain de légitimation de la puissance impériale par le Sénat, puisque le principe absolutiste à l’oriental, de droit divin est désormais la source de la souveraineté.
Ce système devance une version moins raffinée, mise en place par Constantin qui, pour consolider un pouvoir incertain, s’appui sur la force vive de son temps, le Christianisme. Mais ce Christianisme est lui-même traversé de violentes controverses – l’arianisme en particulier – et ne peut prendre le pas sur une civilisation qui avait pendant plusieurs siècle tenté de trouver la formule d’un gouvernement parfait.
Cette première partie, peu sourcée (mais ce n’est pas l’objet de ce court texte) est néanmoins convaincante par sa cohérence. Le parallèle qui est fait avec la période qui s’étend de la révolution française à l’entre-deux guerres, est lui moins évident. L’auteur évoque un mal similaire moderne : l’impossibilité de trouver un synthèse convaincante dans la lutte entre deux systèmes d’autorité : la nouvelle légitimité du peuple contre l’ancienne légitimé du despotisme de droit divin. La suite de ce siècle met à mal cette thèse puisque le principe le plus moderne semble l’emporter partout, de différentes manières toutefois.
Toutefois, l’auteur formule une recommandation précieuse à la fin de sa démonstration, sur la nécessaire discipline intellectuelle qui incombe aux civilisations qui, parce qu’elles choisissent une voie dans l’histoire qui apparaît être cette des vainqueurs, peuvent subir les affres de l’hybris.
Il faut saluer la réédition de cet ouvrage, qui offre une synthèse claire de cette époque passionnante et confuse qu’est la décadence de l’empire Romain, parfois perturbées par certaines maladresses dans l’édition – virgules mal placées, fautes et citations sans typographie permettant de les distinguer.