Extraordinaire mise en scene traduisant à merveille les massaces opérés par le temps, un film usant et fascinant. L'écran double traduit la rupture du couple, mais est également utilisé de manière intelligente de diverses manière, que ce soit le long (très long) cheminement des deux vieux qui déambule dans leur appartement labyrinthique sans jamais se croiser ; c'est l'échange entre le père et le fils qui se parle sans se comprendre, dans un champs / contrechamps légèrement désaxé ; ou lorsque dans une scène à trois, le père n'apparaît pas dans l'écran de la mère, entièrement dévoué à l'amour d'une mère et de son fils, tandis que le père disparaît progressivement de son propre écran, désynchronisé qu'il est de sa propre famille.
Thème mirroir, la mémoire, est formidablement traité. Pas seulement la perte de cette mémoire par la mère, personnage incroyablement touchant, mais aussi à travers ce décors, un appartement englué dans la masse des objets et surtout des livres qui fossilisent ce qui a été l'existence des amants. D'après la définition de Boris que l'on entend longuement à la radio au premier réveil du film, ce n'est plus de la mémoire, c'est du trauma. Et cet appartement qui semble enfermer le couple reste lui aussi seul une fois les deux vieux partis, et fini par oublier dans le grand déménagement post-mortem. Il est, à la fin du film, le dernier personnage du film, et on se rend enfin compte qu'il n'était pas seulement un décors mais un personnage à part entière, le corps véritable de ce couple disparu.
Toutefois, Gaspard, un homme ça s'empêche. Je ne comprends pas ses ajouts qui me semblent être des vérues inutiles là où la laideur d'un quotidien banal, car le naufrage est banal, aurait il me semble suffit. Cette claire, cette drogue, me semble autant de réflexes incontrolés d'un cinéaste du malsain, ce qui n'est pas le ton général du film. Le film est long, chiant mais hypnotique, ces scènes m'ont fait sortir de cette hypnose. Notamment la seule scène à la musique extradiégétique, qui m'a paru d'un ridicule achevé.