L’idée de départ était riche et franchement intéressante. Roland Barthes est assassiné pour lui dérober un document secret affirmant l’existence d’une « septième fonction du langage ». Révélation hautement inflammable, confinant au secret d’Etat car « le langage, c’est le pouvoir » nous dit l’auteur. -Encore fallait-il savoir que langage possédait déjà six fonctions, mon orthophoniste lui-même l’ignorait. -
L’histoire met en scène des personnages réels, petit corpus élitiste nommé French Theory ( en anglais dans le texte ) apôtres illuminés et prosélytes de la nouvelle pensée française qui a encombré les campus américains dans les années 80.
Ils sont tous là, paraît-il. On en connaît plusieurs mais la majorité d’entre eux sont totalement inconnus du grand public – J’ai quand même reconnu BHL pourtant astucieusement camouflé sous une chemise noire – Il faut dire que beaucoup sentent déjà le sapin et que le dithyrambe posthume des suivants sera très inégal.
Pour trouver le coupable de cet acte de grande lâcheté, sont diligentés un commissaire et un adjoint commis d’office, version Dupont et Dupond au Pays de la Sémiologie.
Ce roman est inénarrable. A tous points de vue.
Imaginez-vous dans un salon littéraire parisien, un verre de champagne à la main et un blinis au caviar dans l’autre, coincé entre deux philosophes. Lorsque le premier, postmoderne affirmé, discute avec le second, structuraliste convaincu, de la critique Kierkegaardienne de la rationalité, on se tait et on opine prudemment. Mais lorsque surgit un Lacanien éméché voulant à tout prix vous entretenir de la primauté du phallus comme « signifiant des signifiants », on serre quelques mains et on s’en va. Ce livre fait penser à ces films parodiques où l’auteur entasse un maximum de références à des films et des acteurs inconnus et qui ne font rire personne sauf ces mêmes acteurs, deux ou trois amis du réalisateur et quelques cinéphiles avertis, stratégiquement répartis dans la salle.
C’est aussi comme regarder un film de Bergman sans les sous-titres.
Ce livre est profondément érudit, éblouissant de savoir et hallucinant de culture. Il est sans doute également irrévérencieux et probablement même amusant pour qui en maîtrise les codes ( ou fait semblant ) Je ne doute pas un instant que l’auteur a dû mouiller plusieurs fois son pantalon, tant il s’est fait rire lui-même mais pas un instant je ne me suis senti concerné par cette désopilante aventure littéraire, même si on appelle ça un pastiche.
C’est juste une private joke destinée à quelques Goncourt et Nobel de la littérature ainsi que quelques critiques assujettis aux maisons d'édition et désireux, sans doute, de se faire publier un jour.
PS : Peut-être suis-je vraiment passé à côté de quelque chose ? Je le relirai donc dans quelques temps.