Alice et Mattia sont deux êtres souffrants. Leurs blessures, ils les portent sur eux. Alice, c’est sa maigreur et sa claudication qui lui rappellent l’autorité oppressante de son père. Mattia porte son malheur sur ses mains et ses bras qu’il scarifie à loisir pour faire taire la douleur d’une sœur jumelle disparue. Lorsque ces deux êtres cabossés se croisent à l’adolescence, un lien se tisse entre eux comme une évidence et pourtant leurs casseroles seront trop encombrantes pour qu’ils soient seulement capables de s’aimer. Leurs bizarreries et leurs humeurs sauvageonnes les rapprochent et les obligent à se carapater. C’est ainsi qu’ils tisseront leurs vies, en parallèle.
Étrangement, j’ai beaucoup de mal à écrire ce billet. Je dis étrangement parce que j’ai beaucoup aimé ce livre. Bon faisons simple. D’abord, les points positifs, d’ac ?
J’ai adoré la façon totalement décalée de parler des douleurs et des névroses des deux personnages principaux. C’est un parti pris courageux de s’attaquer aux maladies mentales avec humour et même un peu de cynisme. L’anorexie, c’est un sujet avec lequel il n’est pas de bon ton de faire sourire, on n’ose pas toucher à ces douleurs parce qu’elles tuent à petit feu. Pourtant Paolo Giordano parvient, avec finesse et bienveillance, à arracher des éclats de rire avec des scènes gentiment moqueuses. Son autre personnage, Mattia, n’est pas épargné non plus. Il compte, du matin au soir et du soir au matin, tout, tout le temps, rien n’échappe à son besoin de tout mettre en équations. Sauf peut-être l’asymétrie des cicatrices qui décorent ses mains. Ce sociopathe paralysé par sa souffrance prête lui aussi à rire plus qu’à pleurer. C’est une belle façon de montrer qu’on peut rire de tout, que la légèreté fait tout passer.
Malgré tout ça, je ne peux pas me résoudre à être parfaitement dithyrambique sur ce bouquin. Ok, je fais un peu ma princesse, parce que le livre est vachement bien. Mais j’aurais aimé, je crois, que le rythme de l’histoire soit aussi pétillant que les caractères de personnages, et peut-être même que le récit sorte un peu plus des sentiers battus. Quand on aime, on a le droit d’être super exigent et un peu injuste, non ?
Mais s’il ne faut retenir qu’un mot (ou presque) de cette chronique, c’est : « Fonce et fais-toi plaisir ».
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