La Solitude des nombres premiers par Julie_D
Portrait parallèle de deux êtres intimement proches et toujours séparés, La solitude des nombres premiers fait partie de ces œuvres qui ont les défauts de leurs qualités, ou les qualités de leurs défauts, selon que le livre nous a plus ou moins touché.
Un style ou un non-style très froid, clinique (ou pour être plus exacte, mathématique) qui manque parfois d'agacer (notamment dans les descriptions toujours identiques des tocs de Mattia) mais qui donne un sentiment d'infini respect des personnages, une volonté de ne pas se moquer d'eux, de trop en faire.
La pudeur avec laquelle sont traités ces deux « pathologies » que sont l'anorexie et l'automutilation dont souffrent les deux héros est bienvenue (le rendu de la dimension très mentale de l'anorexie est saisissant) mais lorsque c'est cette même pudeur qui caractérise l'ensemble du roman, elle devient pesante.
Et si les deux premiers chapitres sont très efficaces, d'une violence contenue qui fascine autant qu'elle révulse, la suite est de plus en plus prévisible, manque d'un fil conducteur, d'une raison de suivre ces deux personnages (quand on ne s'attarde pas sur un faire valoir qui semble n'être là que pour aborder un sujet de plus et ne jamais être un personnage à part entière) et d'un quelconque événement qui clôturerait le livre. On a le sentiment que La solitude des nombres premiers aurait pu se finir cinquante pages plus tôt... ou deux cents plus tard.
Ce qui déçoit finalement un peu reste le décalage entre le chef d'œuvre promis (prix Stregha, énorme succès public et critique) et l'impression qui reste, ça et là, de surtout lire un livre « à la mode » : héros en marge de la société, jeune fille anorexique, garçon surdoué obsédé par l'ordonnancement de toute chose...