Voici un bien curieux objet que ce nouveau roman du suisse Joseph Incardona.
La Suisse précisément, c’est là que ça se passe.
Fin des années 80, les années pognon, celles, m’est avis, qu’ont bien fait basculer le monde dans un truc pas très net.
Quoi qu’il en soit : Genève fin des années 80, c’est le refuge des golden boys, les vieux machins en coupés Mercédès, chemises ouvertes et gourmettes en or.
Leurs femmes, choucroute Farrahfawcettée, alcoolisme mondain et solitude à hurler.
Au milieu de tout ce beau monde il y a Aldo Blanchi.
Aldo il est rien et moins que rien, avec son physique façon Agassi, il donne des cours de tennis à des rombières esseulées, mais comme il a de l’ambition Aldo, il fait aussi le gigolo, les portes ça s’ouvre pas tout seul.
Evidemment un jour la belle Odile (dont le mari est banquier) finit par tomber amoureuse du bel hidalgo (même s’il est italien) et, obsédée par l’idée de le perdre, lui propose, par l’entremise de son époux, un travail très rémunérateur pour qui n’est pas trop regardant côté code pénal…
Ajoutez à ça des mafieux corses, une femme fatale venue des pays froids, l’amour, la haine et du pognon, du pognon, du pognon… vous vous en doutez, ça va pas bien se terminer.
Alors que dire de tout ça ? Personnellement j’ai dévoré la première moitié du roman, et me suis lassée sur la seconde.
Mais pourquoi donc me dire-vous ? J’essaie d’expliquer :
Il y a une chose qui n’est absolument pas contestable c’est l’originalité formelle roman.
L’auteur déploie un style très particulier et très marqué, fait de ruptures.
Mais ce qui est surtout remarquable, c’est la construction de la narration. L’auteur se fait ainsi narrateur et commente l’histoire qu’il est en train de nous raconter.
On connait évidemment ce style de narration dans les récits non fictionnels, Jaenada ayant particulièrement dépoussiéré la chose récemment, mais moins dans un roman et donc une pure fiction.
Mon problème, c’est que passé la (plutôt bonne) surprise, je me suis lassée sur la longueur de ces interventions parfois un peu facilement moralisatrices (oh ouinouin l’argent c’est vilain) et dont j’ai eu l’impression qu’elles contraignaient un peu trop mon empathie dans la direction souhaitée par l’auteur.
Et j’aime assez peu qu’on me dise ce que je dois ressentir.
Sur le fond, en outre, l’histoire est certes divertissante... après j’ai déjà regardé Dallas toute ma jeunesse, et y’a rien de nouveau sous le soleil genevois : l’argent appelle l’argent et les petits poissons se font toujours bouffer par les gros.
C’est donc un objet littéraire, et à ce titre il mérite largement d’être lu, mon désintérêt devant être pris pour ce qu’il est: personnel et tout relatif.