Ce roman est une photographie sociologique cachée où sont disséqués le racisme, la perception américaine du sexe et de ses abus, le problème juif, les séquelles du Vietnam, le statut des travailleurs précaires, l'inceste, l'illettrisme, ainsi que, sur un plan apparemment plus personnel au personnage principal, la bataille pour l'honneur, la calomnie, l'abandon, le mépris, la jalousie amoureuse, voire la folie, dont il est victime.
Ouaaahh! En 440 pages, sont exposés les travers américains, de manière d'autant plus brillante que l'oeuvre est truffée d'analyses psychologiques des personnages et de dialogues-coup de poing, qui font mouche à chaque fois. Le parallélisme des sexualités de Clinton et Silk sont aussi brutales que drôles. Tout se chamboule, les cartes ne semblent cesser de se rabattre : de nouvelles facettes de l'histoire du protagoniste sont divulguées tout au long du récit, et j'ai été particulièrement impressionné et intrigué par le savant mélange de récit présent et de retours-arrières (ce néologisme vaut bien flash-back ou travelling arrière, non ? wink and smile !).
Il serait intéressant de faire une comparaison avec Edmond Dantès : lui commence à se battre et décide, pour ses raisons propres, se retirer, dans l'outrage, et la vindicte le poursuit, via les rancoeurs de Delphine Roux, mais quel retournement pour lui à l'enterrement, grâce au discours de son collègue noir. J'ai apprécié le "et après", voir ce qui se passe après la mort du personnage principal, dans un chapitre qui vaut bien son jus. Proust n'a-t-il pas donné presque son meilleur sur la fin avec le Temps retrouvé ?
Oui, ce roman est touffu, peut-être un brin trop dense. Y a-t-il trop de descriptions, comme j'ai pu le lire ? Je conçois qu'on puisse le penser, mais je reste sur l'impression tenace selon laquelle elles sont nécessaires à ce qui est bien une analyse, tant sociologique que psychologique.
Personnellement, j'ai accroché tout de suite, et ai mordu jusqu'à la fin. Je l'ai lu en une journée et demie. Beaucoup ont apprécié, et personne n'a mis *. J'étais bien tenté, et ai hésité en voyant les notes. Allons, courage, j'assume mes goûts subjectifs, qui se mêlent aux raisons objectives d'apprécier ce livre - que j'espère avoir exposées suffisamment clairement -, car il s'agit bien d'un coup de coeur.