Journaliste d’investigation à l’origine de nombreuses révélations dans plusieurs affaires retentissantes, Fabrice Arfi publie aujourd’hui le résultat de plus de quinze ans d’une enquête qui nous replonge dans les arcanes de l’espionnage en pleine Guerre Froide.


En 1968, alors que depuis un demi-siècle on l’avait porté disparu sur le terrible front d’Isonzo – le Verdun italien – lors de la première guerre mondiale, quelle n’est pas la stupéfaction de sa famille, désormais établie en région lyonnaise, d’apprendre que le soldat Vincenzo avait en réalité réussi à gagner la Roumanie et que, bien vivant, il y est devenu dessinateur industriel. Le rideau de fer les sépare, qu’à cela ne tienne, les efforts des siens ont tôt fait de soulever des montagnes, et voilà notre homme qui, en 1969, quitte définitivement la Roumanie de Ceaușescu pour une nouvelle vie à Villeurbanne. Une vie tranquille et sans histoire, quoique…


Menant l’enquête en recroisant les sources, dont certaines touchant au plus près des services secrets français et étrangers, Fabrice Arfi ne manque pas d’arguments, à défaut de preuves, pour convaincre des très probables activités sous couverture de cet homme si miraculeusement réapparu. Mais quelles informations, provenant de quelles sources, aurait-il bien pu servir à véhiculer jusqu’aux oreilles de la Securitate ? Là encore, pas de preuves, mais un faisceau d’indices gros comme le bras pointant vers une personnalité au centre de nombreuses affaires et polémiques - passé vichyste et accusations d’espionnage - : Charles Hernu, ministre de la Défense sous François Mitterrand.


Si, aussi longue et minutieuse soit son enquête, Fabrice Arfi ne s’en casse pas moins les dents sur l’absence de preuves définitives, ce livre documenté et convaincant laisse au final assez peu de place au doute dans l'esprit du lecteur. Pas toujours absolument passionnante lorsqu’il s’agit des méandres intriqués du monde des services de renseignement, cette histoire un peu ancienne entre étrangement en résonance avec l’actualité et la famille si « normale » d’espions russes récemment libérés par la Slovénie dans le cadre d’un échange.


Un livre sérieux, bien informé et étayé, qui se lit presque comme un roman dans sa première partie centrée sur la légende de son personnage central, pour se faire ensuite un peu plus aride pour les non passionnés d’espionnage.


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Cannetille
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le 4 oct. 2024

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