Retrouver la plume de Bernard Minier est toujours un plaisir, que je savoure pleinement, même si j’ai toujours un décalage d’une année par rapport à la sortie de ses romans. Sixième tome consacré à Martin Servaz, La Vallée nous prouve que l’imagination de l’auteur concernant son personnage fétiche est loin de s’être tarie. Son nouvel opus, La Chasse qui vient de paraitre chez XO Editions en est une nouvelle preuve. Inutile de commencer ce roman sans avoir lu les précédents tant les références au passé de Martin sont nombreuses. Voici la série dans l’ordre : Glacé – Le Cercle – N’éteins pas la lumière – Nuit – Soeurs – La Vallée – La Chasse.
Le personnage de Martin Servaz nous revient fidèle à lui-même et également à ceux qui ont partagé sa vie, comme en témoigne le retour inattendu de Marianne dans l’existence du capitaine de police. Celle qui a tant compté pour lui, mère de son fils Gustav qu’il élève seul, était portée disparue jusqu’à un fameux coup de fil en pleine nuit où la voix de Marianne le réveille et le supplie de lui venir en aide. Le voilà lancé sur ses traces, au cœur de la vallée d’Aiguesvives, une petite ville des Pyrénées, perdue au milieu des forêts. Sur place, nulle trace de Marianne, mais Servaz découvre un monastère dans lequel il est accueilli pour la nuit. Il apprend qu’un crime épouvantable a été commis non loin de là, il se rend sur place. La disparition de Marianne et le meurtre horrible d’un jeune homme au Pic du Gendarme, semblent liés. Le hic est que Martin vient d’être suspendu suite à l’affaire Erik Lang (voir Soeurs) et n’a plus aucun droit d’intervenir sur une enquête : pour se tenir au courant des faits, il devra suivre sans piper mot sa collègue Irène Ziegler.
Une accroche telle que celle-ci ne pouvait que m’attirer : une vallée coupée du monde, une abbaye pleine de secrets au cœur d’une forêt mystérieuse, une série de meurtres épouvantables… Dans ce cadre (idyllique) de montagne se répand un concentré de noirceur humaine: tout d’abord ces meurtres mis en scène de façon terrifiante et cruelle, puis le comportement d’une population, « confinée » dans leur petite ville en raison d’un éboulement qui coupe tout accès au reste de la vallée. Rapidement la tension monte, les esprits s’échauffent et se laissent envahir par la révolte, il en faudrait de peu pour qu’une partie des habitants prônent l’anarchie… Le climat anxiogène est très présent, servi par l’écriture rythmée de Bernard Minier qui dévoile une intrigue au final inattendu. Avec un soin particulier l’auteur a réuni les ingrédients permettant de démontrer avec véracité les travers de notre société actuelle : le malaise des forces de police (manque de moyens, manque de respect…), les dangers des réseaux sociaux, une jeunesse de plus en plus violente… Une ambiance générale faite de suspicion, d’injustice et d’irrespect, y compris au fin fond d’une vallée des Pyrénées… Il suffit d’une étincelle…
J’ai eu l’impression que le constat social auquel se livre Bernard Minier dans ce roman prend le pas sur l’intrigue elle-même: un Martin Servaz réduit à l’état d’assistant de la franche Ziegler, revenant une nouvelle fois sur ses pas en volant au secours de Marianne (Glacé), un petit air de déjà vu dans tout cela et pourtant j’y retourne! Car les « horreurs » inventées par l’auteur me plaisent indubitablement !!! Et vous, l’avez-vous lu ? Qu’en pensez-vous ?