Monica Sabolo, l’autrice et narratrice de ce livre, croit tenir « un bon sujet, (…) un truc facile » : une enquête sur l’assassinat « pour des raisons idéologiques » de Georges Besse, patron de Renault, en 1986, par Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron. Alors qu’elle investigue sur ce groupe terroriste d’extrême gauche, « l’histoire ricoche en [elle]» et lui devient « étrangement [familière] ». Le sentiment d’ entrer « dans une zone dangereuse de [sa] mémoire » s’intensifie mais elle ne sait pas encore que « les années Action directe [sont] faites de ce qui [la] constitue : le secret, le silence et l’écho de la violence » et vont petit à petit éclairer son histoire personnelle.
Monica Sabolo commence une double enquête : Action directe et son propre passé. Avec elle, nous poursuivons « quelque chose, tel un explorateur sur les traces d’une bête ». Nous comprenons ce que signifie tenir entre les mains « des calques qui ne se recouvrent pas » et vivre avec au fond de soi une « pièce dérobée (…) restée dans le noir ».
Qu’y-a-t-il dans « ce sac de cuir que l’on garde serré contre soi pendant un temps infini, presque une vie entière » et pourquoi « se met[-il] soudain à fuir » ?
Comment identifier ce que seul le corps sait ? Comment mettre des mots sur ce ressenti de «froid minéral » et ce qu’il «contient, à la manière d’un animal fossile » ?
Et lorsqu’arrive « l'impression d'avoir trouvé ce que [l’on] cherche, sans le savoir, depuis toujours», est-il possible de pardonner l’indicible, le jamais nommé comme s’il n’existait pas ? Le pardon serait-il de remonter à la surface et voir la beauté là où elle est ? d’accueillir « le bien et le mal enlacés » ? un « je ne t'en veux plus », « une digue [qui] cède », « un fanion, blanc et dérisoire » ?