Fermer un tel livre la veille de Noël est un bonheur rare. Que de simplicité, d’authenticité, quelle leçon de vie et d’humilité !
En racontant la vie de cet humble paysan de la fin du XIXème siècle, nous revenons à l’essentiel.
Dans un style sans fioritures (sauf pour certaines descriptions où l’auteur n’échappe pas toujours à la volonté de faire « littéraire », mais qu’on oublie très vite) un paysan raconte sa vie et nous convainc de tout notre superflu.
Nous ne connaissons pas la rudesse de cette vie, la jeunesse laborieuse, la faim, le travail harassant, les divertissements rares, les mariages de circonstance, le service militaire qui volait plusieurs années de vie, la guerre, l’analphabétisme… nous sommes des enfants gâtés et nous nous plaignons parfois ; honte à nous !
Guillaumin raconte l’intelligence de ces humbles à qui l’essentiel suffisait puisqu’il manquait parfois. Cela leur donnait une lucidité indulgente pour toute autre considération que leur survie au quotidien : le curé radoteur qui ne voit pas un enfant dehors dans le froid et qui dîne à l’heure, le médecin trop cher pour soulager une agonie,les vies brisées par une maladie enfantine, le bourgeois se donnant bonne conscience à peu de frais en adoptant des idées « progressistes », les changements de gouvernement vus de très loin et finalement assez dérisoires...
Ces paysans affrontaient la nature cruelle, vivaient au rythme des saisons et se moquaient bien des bouleversements du monde dont ils percevaient à peine les échos. On se prend à comprendre combien la figure paternelle du roi – voire de l’empereur - convenait à leur vie au rythme lent, à leur respect de la tradition, à leur amour de leur pays même s’il se limitait à leur région.
On se prend à se demander si là ne se trouve pas la vraie intelligence, à une époque où la bêtise de gens qui ont eu pourtant la chance d’aller à l’école longtemps s’étale dans les rues, sur les réseaux. Ces paysans parfois sentaient leur insuffisance, leur inculture, leur naïveté, mais se taisaient en reconnaissant leurs manques alors qu’aujourd’hui la bêtise se veut prolixe et triomphante, décomplexée.
Heureux temps où l’homme connaissait sa place dans l’univers, c’est-à-dire une bien petite place…