Cela fait plusieurs décennies que les métiers manuels sont dépréciés, relégués en dernier choix, pour les réorientés, ceux qui sont en échec.


Ici l'auteur, Arthur Lochmann, raconte une période de 10 ans de sa vie. Après des études de philosophie (comme Matthew B. Crawford qui a écrit éloge du carburateur, cité dans le livre d'ailleurs), il décide de s'apprendre le métier de charpentier.


Ces dix ans seront l'occasion de mesurer la particularité de ce métier dit manuel, à l'intelligence incorporée, déclinant ses chantiers, ses apprentissages, ses rencontres pour en établir une éthique de vie très éloignée des "bullshit jobs", de la vitesse imposée des sociétés.


"La vie solide" vient en contre-point de la vie liquide de Zygmunt Bauman qui décrit par cette métaphore ce temps qui ne se laisse pas appréhender.


Cette éthique, à travers les charpente, c'est pour Arthur Lochmann l'occasion de mettre en avant des valeurs propres à ces métiers dont l'apprentissage demande du temps: droit à l'erreur, sens du concret, tradition et modernité, travail en équipe, inscription dans l'Histoire.


Alors que tout jeune, j'avais évoqué l'idée d'être horloger ou relieur, je dois bien dire que cette vision du monde me parle à l'heure des protocoles, des procédures, de l'internet et du déséquilibre permanent.


Petite critique: dans le chapitre "le trait l'épure et la charpente", l'auteur cherche à mettre en avant Catherine Vidal qui, depuis des années, ne cesse de promouvoir l'idée qu'il n'y a pas de différence de traitement de la vision dans l'espace entre les garçons et les filles. l'auteur reprend à son compte sa thèse socioconstructiviste pour regretter le peu de femmes dans le métier. Or, c'est un débat qui n'existe pas, la différence est bien réelle. (https://www.pseudo-sciences.org/Dans-Le-Nouvel-Observateur-Le-melange-des-genres.


L'intention est bonne mais, pour le coup, l'auteur aurait dû se limiter à son champ.


Petit livre de philosophie concrète qui à travers la pratique, l'apprentissage de la charpente décrit une éthique de vie dans un monde qui nous tend à nous échapper encore et encore, nous pauvres homo sapiens dont le fonctionnement cognitif date d'il y a 40 000 ans.


J'aurais bien envie de le faire lire aux adolescents en difficulté, traînés jusqu'au bac dont les parents (comme moi) s'illusionnent sur la valeur des études intellectuelles pour faire sa place dans le monde mais je crains que ce ne soit un peu dur pour eux...

LilianSG
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le 17 déc. 2019

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