Quittant une Europe qui s'apprête à basculer dans le totalitarisme, Ella Maillart et son amie Christina partent au volant d'une Ford à destination de l'Afghanistan.Toutes deux reporters et écrivains, elles s'interrogent sur ces sociétés du Moyen-Orient et d'Asie Mineure, qui, à une époque où les sociétés occidentales se sclérosent et se mécanisent de plus en plus, sont demeurés "en accord avec leur coeur".Mais la "Voie cruelle" est en fait un double récit.D'abord celui de deux européennes, qui, loin de fuir la guerre (Ella Maillart reviendra en Europe en 1940), ont décidé de comprendre ce qui se gâte dans leur société.Elles traversent la Turquie, l' Iran, jusqu'en Afghanistan, alors encore épargné par la guerre, alors que c'est l'Europe qui est en flamme.
Et puis la "Voie cruelle", c'est aussi le cheminement de deux femmes différentes, mais animées par une même passion. Mais Christina est morphinomane, ravagée par la souffrance, physique et mentale, une identité sexuelle mal assumée, c'est elle qui choisit cette voie cruelle qui l'abîme, mais ne la façonne pas moins. Car cette "voie" est finalement un choix intérieur, conditionnant notre regard sur le monde.Ainsi Ella Maillart écrit: "Beauté, tristesse, joie, ne sont pas parties intégrantes d'un objet, d'un événement: elles n'existent nulle part ailleurs qu'en moi. Si donc ces sentiments latents résident en moi d'une manière constante et ne dépendent qu'incidemment des circonstances extérieures, il ne tient qu'à moi d'apprendre à faire surgir de ma profondeur la joie pure, non conditionnée, ou le détachement, plutôt que la tristesse! Ainsi chacun peut parvenir à modeler son monde à sa guise".Plaidoyer kantien de la voyageuse, qui ne trouve finalement dans le vaste monde que ce que son regard a à y apporter.
Ecrit dans les années 80, ce récit de voyage est la quête d'une société humaine intègre à ses valeurs, consciente du bouleversement du mode de vie européen.Il s'agit aussi d'une ode à cette Christina, madone de douleur, morte quelques années après son voyage. Ces quelques pages comme l'ultime tentative de tenir (et non pas de retenir) la main de sa compagne de route encore un peu."Puissent ces pages m'aider à me rappeler que c'est seulement en exigeant tout que nous pouvons espérer obtenir Ce sans quoi, disons-nous, la vie ne vaut pas d'être vécue".
EB
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le 24 août 2011

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