Sur Cerclon, chaque individu est géré par la société mais surtout s'autogère : on suit les normes sans se poser de questions : idéaux de beauté, méthodes de travail... même les déplacements sont préfigurés. Jamais d'imprévu donc.
Capt et sa bande de la Volte font des excursions dans la zone du dehors. Au-delà de la ville, cette zone irradiée leur permet de planifier leur révolte en secret. La Volte a pour but de faire ré-agir les citoyens. Mais tout au long du livre, on s'aperçoit que la prise de conscience n'a rien d'évident, tant les médias ou le gouvernement peuvent manipuler une opinion peu habituée à user de son esprit critique.
Sans vous dévoiler le reste de l'intrigue, le principal point fort du roman tient au reflet qu'il nous propose de notre propre société. Au fil des pages, nous reconnaissons cette "société de contrôle, oui, de codes souples et de normes poisseuses, qui désamorce, rogne la rage, adoucit, assoupit, régule et strangule. Qui dévitalise."
Ce qui intéresse Damasio à travers ce roman, c'est en effet de montrer qu'au-delà de la liberté, il faut revendiquer la vitalité.
La vitalité est cette pulsion qui nous amène à exercer notre liberté, à choisir (et notamment à choisir des chemins peu évidents, difficiles, illogiques; en bref faire le choix de la divergence).
La zone du dehors symbolise cette capacité à cultiver en nous ; ce par quoi le Je se fait autre, s'extirpe de soi (ne serait-ce qu'un bref instant) pour s'étendre, ouvre ses limites pour s'incorporer un petit peu d'inconnu.
Bien sûr, cela suppose un effort (Damasio déploie tout au long du livre un vocabulaire de la violence, de l'arrachage, de la vivacité), c'est douloureux. Mais comme le dit l'auteur dans sa postface : "Ca fait mal, d'être libre".
Chronique complète sur : https://labyrintheque.wordpress.com/2018/05/02/agir-hors-champ-alain-damasio-la-zone-du-dehors/