Oskar, 12 ans, gamin solitaire passionné de faits divers qu’ils découpent dans les journaux, vit seul avec sa mère dans une triste banlieue HLM de Stockholm. Il est affligé d’énurésie qu’il dissimule avec les moyens du bord, et est le souffre-douleurs de plus grands du collège qui ne ratent jamais une occasion de l’humilier, allant même jusqu’à le frapper. Un soir, alors qu’il joue dans le parc devant son immeuble, il fait la connaissance d’une fille de son âge, Eli. Vivant dans l’appartement contigu, avec un vieil homme qui pourrait être son père, Eli parle peu, ne sort que la nuit tombée, parait négligée et laisse exhaler une odeur peu engageante. Malgré cela, Oskar est vite attiré par elle, comme si elle pouvait comprendre sa solitude.
Cependant, lorsque plusieurs meurtres et disparitions surviennent, Oskar en vient à se poser des questions: et si Eli était mêlée à tout ça? Et si la petite fille était… un vampire?
Dans la littérature et le cinéma fantastique, le vampire a toujours occupé une place de choix. Ayant obtenu ses lettres de noblesse sous l’époque bénite de la Hammer films avec des acteurs comme Christopher Lee, mais avant lui Bela Lugosi, il a atteint le summum littéraire avec Bram Stocker et des années plus tard avec Anne Rice et son entretien… George Martin s’y est risqué avec bonheur avec Rêve de Fèvre. Stephen King lui même a écrit une de ses plus belles pages avec Salem. Il est donc difficile d’écrire un nouvel opus des suceurs d’hémoglobine aux dents longues sans risquer de tomber dans une redite ou un plagiat.
En ceci, le roman de Lindqvist est une réussite. D’abord, parce le personnage central du roman est Oskar et non le vampire. Ensuite parce que viennent s’inscrire plusieurs autres histoires durant ce récit, comme celle de Tommy, autre gamin solitaire qui doit supporter son futur beau-père policier un peu emprunté et sa mère amoureuse comme une midinette, une bande d’adultes sur le retour, assez pitoyables, alcooliques, désireux de retrouver le coupable de la disparition de l’un des leurs, et Håkan, le serviteur du vampire, celui qui cherche des victimes en échange d’un peu d’amour… Tout ce petit monde va bien sûr se télescoper à un moment ou un autre. Au delà des figures de style imposées (comme le fait de devoir inviter le vampire pour qu’il puisse entrer, qu’il craigne le solei et dépérisse s’il ne se nourrit pas) finalement, apprendre dès le départ qui est Eli ne nuit pas au récit. L’auteur arrive à lui donner une dose d’innocence, à la façon de Claudia dans le livre d’Anne Rice par exemple, et à lui faire prendre conscience de ce qu’elle est : « je n’ai jamais eu de véritables amis » dira-t-elle. Elle est tout à la fois la confidente, l’amie, et finalement la protectrice d’Oskar lorsque les plus grands du collège iront trop loin avec lui.
Laisse-moi entrer s’achève sur une scène dont on devine la violence sans que l’auteur ne se livre à une complaisance d’horreur, et une conclusion qui parait presque logique, même si elle peut laisser la place à l’imagination d’une suite.
Je remercie les éditions Bragelonne pour leur confiance. Ils éditent une nouvelle fois une petite perle d’horreur et leur catalogue commence à être bien fourni.