Ingmar Bergman est le plus grand cinéaste de tous les temps, de l'univers et du reste. Égalité avec Mizoguchi. Talonné par Buñuel. C'est donc en véritable fan que j'ai abordé la lecture de ce Laterna Magica, agglomérat de souvenirs épars où Bergman relate d'une part son enfance et de l'autre sa carrière de metteur en scène, oscillant entre le théâtre et le cinéma.
La première surprise, c'est la qualité de l'écriture. Le livre entier répond à une structure rapprochant alternativement passé et présent jusqu'à l'étrange fusion des derniers chapitres, où Bergman rejoue une rencontre avec feu sa mère, concluant son ouvrage sur un hommage presque murmuré. La lecture de ce qui est en grande partie une suite d'anecdotes en est rendue beaucoup plus agréable, puisque qu'on dépasse rapidement la simple "cartographie" de carrière pour se concentrer sur les expériences en elles-mêmes.
Dans le fond, Bergman revient sur de nombreux épisodes connus ou moins connus de sa vie : son enfance turbulente, sa visite à la morgue de l'hospice où officie son père, son petit tour en Allemagne à la fin des années 30, l'attrait du nazisme et l'apolitisme affirmé qui en a résulté à l'ouverture des camps, ou une longue digression sur ses ennuis avec le fisc et l'exil qui a suivi. Il s'attaque sans fausse pudeurs à ses premiers émois, expériences grotesques en rupture avec une éducation protestante un poil rigoriste, puis mariages à répétition, ses débuts au théâtre, au cinéma. Il est intéressant de voir comme le cinéma international n'est quasiment jamais cité, là où sont rappelés les cinéastes suédois qu'il considère toujours comme des modèles.
Sur sa propre œuvre de cinéma, on connait le regard sans pitié du cinéaste. Il n'analyse rien ici, ce n'est pas le but de l'entreprise. On apprend surtout dans quelles conditions certains opus ont été mis en œuvre : Fanny et Alexandre dont il sort à peine, le Septième Sceau, qui fut au préalable une pièce écrite pour ses universitaires, la double pneumonie qui a précédé Persona, les films de l'exil, de L'oeuf du Serpent à Sonate d'Automne, avec un chapitre très fort sur Ingrid Bergman en fin de carrière. On évoque Les Communiants, Crise, le succès surprise de Cris et Chuchotements, Scènes de la vie Conjugale, mais aussi Un été avec Monika, l'Heure du loup et Le Silence.
Je ne peux que conseiller vivement la lecture de Laterna Magica à tout amateur du cinéma de Bergman. Une connaissance, même large, de quelques-uns des films sus-cités me semble cependant un prérequis non pas obligatoire, mais fortement recommandé.