Un bordel de luxe, alors qu'au-dehors gronde la révolution... Tandis qu'en son sein se livrent les secrètes perversions de successivement un évêque, un juge et un général, sous l'oeil inquisiteur de Madame Irma, surveillant toutes les chambres de son austère bureau. Une pièce de théâtre dont Jean Genet a mis du temps avant d'en boucler l'écriture : insatisfait de son travail pendant la gestation de son oeuvre ("C'est très mauvais, et très mal écrit. Prétentieux" dixit l'auteur à son propos durant son écriture). Jean Genet veut susciter des fables pour adopter un ton caricatural, tout dans le ton de la pièce. L'auteur réussit donc son entreprise stylistique, mais pousse le nihilisme jusqu'à (en édition Folio) donner des indications de mise en scène, insatisfait d'un bon nombre de ses représentations auxquelles il assista de par le monde.
Le Balcon est une pièce assez difficile à comprendre, notamment dans les tons absurde et moqueur qu'elle invoque en de nombreux endroits, mais également en sa qualité même de pièce. Un peu trop statique, plutôt répétitif, peu d'action concrète peuvent rende la lecture de cette pièce éprouvante. Le côté pervers et malsain n'y est pour rien, il ne fait au contraire qu'ajouter au ton satirique de l'oeuvre. Jean Genet manifeste, par la construction d'"acteurs" au sein de cet univers interlope qu'est la maison close, son mépris pour les professions évoquées en exaltant captieusement leur perversion, et c'est ce qui fait la puissance de la pièce.
En résumé, Le Balcon est un récit quelque peu harassante, malgré un bon fond, mais peut sans doute s'avérer intéressante du côté du spectateur. La lecture bien que pas tout le temps agréable laisse à imaginer de bonnes possibilités de mise en scène pour une interprétation captivante. A voir au théâtre.
(Critique écrite sur Babelio le 09/03/2015)