Dans « Le Banquet », Platon retranscrit librement en allant à l’essentiel la conversation philosophique d’une soirée mémorable auquel il n’a même pas pris part. Cette série d’éloges vibrants à Eros, le dieu de l’amour, est pourtant détaillée avec grande convictions et une écriture soignée qui vous incrustera au milieu d’Agathon, Socrate, Erixymaque et les autres comme si vous y étiez. On y sent un désir perpétuel d’approfondir les questions abordés – quitte à proposer des points de vus différents et opposés selon leurs auteurs. Tout cela en restant très accessible et captivant pour tout amateur (même novice, comme moi) de philosophie, grâce à une argumentation vivante, explicite et imagée.
Les différents orateurs brossent d’ailleurs large dans les thèmes abordés : la recherche du bonheur, la beauté, aussi bien physique que morale et spirituelle mais surtout, l’origine du désir amoureux de l’être humain. Pourtant, tout cela s’enchaîne avec une grande fluidité et la brièveté du livre (une centaine de pages) n’empêchent pas d’aborder les thèmes variés en profondeur.
La personnalité de chacun des protagonistes se dessine d'ailleurs subtilement à travers leurs discours, laissant entrevoir des esprits d’exceptions, humbles et réfléchis, chacun à leur manière. Et malgré notamment une mise en abyme du récit multipliant les narrateurs pour l’ancrer dans le réel qui aurait pu me perdre (ce ne fut pas le cas du tout) force est de constater que « Le Banquet » reste remarquablement lisible et compréhensible, 2500 ans après sa création. On pourrait enfin rétorquer que Platon a bien peu de mérite de ne faire qu’écrire les pensées d’autres philosophes sans y ajouter son grain de sel personnel. Son humilité et son admiration envers les différents orateurs, sa capacité de synthèse et de simplicité d’écriture rendant le discours clair et poétique, méritent néanmoins bien des louanges.
Un dialogue argumentatif où chacun y trouvera son compte : il ne manque ni d’humour, ni d’exemples tangibles et universels, ni de spiritualité, sans oublier une part de folie poétique (bien que sûrement un peu atténuée par la traduction) qui achève de faire du « Banquet » une excellente introduction à la philosophie. L’ancienneté du récit, sa portée universelle et ses pistes de réflexion passionnantes en font sans aucun doute un écrit fondamental et indispensable pour chacun d’entre nous.
Ma critique de "Phédon" : http://www.senscritique.com/livre/Phedon/critique/96089590