Récit rapporté indirectement, sans que cela ait une importance capitale et fondée (si ce n'est comme il est dit dans la préface afin d'ancrer la scène dans la réalité) ; faits racontés à un ami par un narrateur (Apollodore) qui les tient lui-même d'un participant (spectateur d'ailleurs plus que participant), Aristodème, Le Banquet semble construit sur des bases inutilement compliquées qui pourraient faire craindre le pire concernant la suite.
Mais il n'en est rien, et le lecteur sera soulagé de constater que la limpidité de la structure de l’œuvre est totale et d'ailleurs formidablement éclairée par les protagonistes eux-même qui n'ont de cesse de multiplier les rappels et d'user de précaution de langage pour encadrer ce fameux banquet, tradition quasi règlementée et en tout cas éloignée de l'image désordonnée qu'elle pourrait laisser se former dans les esprits, et ce même si la frontière est bien mince entre les discussions philosophiques et la beuverie (frontière en partie tracée par une espèce de maître de cérémonie, ici incarné par le médecin Eryximaque). Pour résumer : les discours s'enchaînent, le sujet est l'Amour, il faut en faire l'éloge.
Chacun y va alors de son petit couplet, proposant une vision de l'amour parfois subjectivement influencée par leur profession, par leur définition même de l'amour et du cadre dans lequel il s'inscrit ; on a le droit aussi aux références mythologiques et mythes terriblement efficaces en terme de pure littérature (l'androgyne), au raisonnement clair et volontairement moins rhétorique de Socrate ; tout se succède avec plaisir et sans juger du fond, de la validité des arguments, tout lecteur y trouvera une réflexion intéressante quoique fort éloignée tout de même de nos modes de penser actuels (pas totalement non plus).
Le ton presque didactique employé permet au Banquet d'être une belle porte d'entrée dans la philosophie et dans l’œuvre de Platon en particulier, formant un support de connaissances mais aussi et avant tout de réflexion qui éveillera le lecteur sur certains points.
Bien structuré, passionnant à lire, bien écrit aussi tant les paroles coulent comme du miel à nos oreilles, Le Banquet multiplie les effets positifs, débute comme un roman (dans sa narration), se construit ensuite comme une pièce de théâtre (unité de lieu, de temps...), déballe son propos philosophique (l'Amour, son origine, ses délimitations, son champ d'action, sa valeur...) et prend des allures de poésie dans son écriture.
De quoi bâtir un terrain fertile pour l'amour du lecteur.