Très peu de romans écrits par Gunnar Gunnarsson ont été traduits en français à ce jour, et c'est fort regrettable pour l'un des auteurs classiques islandais les plus réputés et talentueux au monde, à l'œuvre aussi prolifique, appréciée et représentative d'une littérature "nordique" emblématique et sublime !
Heureusement, Zulma Poche a eu la très bonne idée de sortir (et traduire) cette novella (ou court roman) qui brille par sa magie simple et la poésie naturelle qu'elle renferme, par le génial exercice de style auquel se prête l'auteur en si peu de pages, signe que quantité ne rime par forcément avec qualité.
[citation]
"Les gens qui marchent dans la nuit sont étrangement perdus l'un pour l'autre. Mais dans la montagne, le sentiment d'isolement prend un tour différent. Tant qu'on entend d'autres voix que la sienne, tant qu'on sent, près de soi, une respiration, le vide profond de l'univers, au ciel et sur la terre, ne vous étreint pas tout à fait de ce froid glacial, à la racine des cheveux."
"Quand on met un pied devant l'autre dans la bonne direction, on finit toujours par avancer."
"Dehors, la tempête rageait et ravageait. Tant de tempêtes se déchaînent dans le monde. Ici, loin de tout, dans ce petit coin paisible de l'univers, seul le ciel était en guerre. Les mousses et les lichens poussaient difficilement. Il fallait des siècles pour changer en bonne terre arable cette roche crachée par les volcans. Cycle de vie qui transforme le feu intérieur en végétation où viendront se déposer la rosée et le givre..."
Ce récit c'est avant tout celui d'un homme et de ses 2 compagnons, un chien et un bouc, la Sainte Trinité comme aime à l'appeler notre héros. Tous trois ont pour tradition, le 1er dimanche de l'Avent, de grimper dans les montagnes désertes et inhospitalières afin de récupérer les animaux égarés lors du retour de transhumance.
L'occasion de se confronter à la nature, aux éléments, à la méditation, au sens de la vie et du devoir. On vibre avec Benedikt, Roc et Leo lorsque l'hiver se déchaîne dans toute sa magnificence et sa dangerosité.
On s'émeut des liens qui unissent aussi profondément nos 3 compagnons, de leur courage féroce, leur bravoure exceptionnelle lorsque la survie s'impose et que la mort rode non loin de là ! On s'émerveille face à cette immensité sauvage, calme, magnétique, menaçante. Cette beauté rocheuse et stérile austère, cette solitude si salvatrice et régénératrice, bien qu'effrayante. Mais Benedikt est chez lui dans ses montagnes. 27 ans qu'il instaure cette tradition chaque année. Un voyage de près d'un mois où derrière le besoin viscéral de solitude et de communion d'un humble fermier, se cache la générosité, la bravoure et l'abnégation d'un homme au cœur pur, soutenu dans ses exploits par deux animaux attachants et à la personnalité bien affirmée.
Quand l'homme et la nature vivent parfaitement en symbiose, ça donne cette pépite exceptionnelle. Simple en apparence mais tellement riche, authentique et généreuse !
Un magnifique coup de cœur !