Le trio amoureux à vingt ans à peine - un bon petit sujet, sans trop de surprise sur le papier. Mais Arriaga le tire au creux du roman noir par la bizarrerie, les angoisses mises en jeu, la folie de l’un qui touche peu à peu les autres. Tout part de cette folie, pauvre garçon entendant le bison respirer à son oreille toutes les nuits, pauvre âme sentant des perces oreilles parcourir son dos et ses veine et le produit de ses masturbation, pauvre âme qui se suicide aux premières pages du livre...


Il n’en reste donc que deux du trio, et tous deux vont flotter en quelques jours dans les rues & les motels de Mexico DF, sans savoir comment remettre un peu de stable dans leurs pensées, leurs souvenirs, leurs tendresses & désirs un peu éparpillés. Un roman où l’on emprunte souvent la voiture de son père pour aller voir une copine, pour rentrer au petit jour finalement sans forcément l’avoir voulu, juste car la jeune silhouette rencontrée offrait un peu de conversation et de sexe. Un livre de jeunes flottant, goûtant aux douceurs des peaux et aux sons étranges de la nuit qui lancent des pensées sombres au creux de la nuit et aux réveils passés midi...


J’ai songé un peu aux Détectives Sauvages de Bolano, ces corps jeunes se retrouvant ici ou là à DF pour boire des coups, pour partager leurs envies et leurs élan. Les romans n’ont rien à voir, Arriaga ne vise pas la même ampleur, ne piste pas la poésie en plus de la jeunesse ni les souvenirs sombres de dictatures ou d’assauts en 68 ; le livre ne quitte pas son trio, ou presque. Mais l’écho provient du même battement de DF, de mêmes bars où traînent les mêmes jeunes entre deux virées en voiture. L’ombre nocturne du DF, le pouls de ses verres nocturnes & des discussions entre énergies toutes jeunes encore.


Oui, on entend ici la jeunesse et les pulsations du Distrito Federal. On goutte à une tonalité de roman noire, le flingue qui passe d’une main à l’autre, la séduction entre un homme ou l’autre, les lettres anonymes ou les passages au poste de police. Mais la noirceur n’est pas surligné par de grands desseins, de grands crimes, de grandes quêtes policières ni des femmes fatales aux envies sans fin ; une noirceur assez simple, simplement issue d’un peu de folie d’un protagoniste, de quelques jeunes de vingts ans qui cherchent, qui tâtonnent, qui ne savent trop comment réagir à l’ombre & aux échos de la folie...


Pas de doute, Arriaga a du talent, et il n’est pas surprenant de le savoir plume d’Inarritu, pour Babel ou 21 grammes. Mais son roman joue avec moins de ficelles, moins de grandes morts que ces quelques films, quand on y songe ; pourtant, sa noirceur simple & presque banale résonne fort.

LeWilliamNorth
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le 29 nov. 2015

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