Le Brady, cinéma des damnés est un livre de Jacques Thorens publié en 2015.
Le Brady est un cinéma parisien inauguré en 19561, 39 boulevard de Strasbourg dans le 10e arrondissement.
L'auteur a travaillé au cinéma Le Brady au début des années 2000. Il décrit le quotidien de ce cinéma pas comme les autres.
Mon éclaireur, Pat-project, me l'a recommandé et je l'en remercie. Parisien d'adoption et familier de ce cinéma qui est aujourd'hui "rentré dans les clous", j'ai pris un grand plaisir à lire cet ouvrage documenté et nostalgique qui fourmille d'anecdotes.
Les cinémas de quartier.
Les cinémas de quartiers étaient nombreux à Paris dans les années 80. Les plus connus étaient La Scala, Le Hollywood Boulevard (...) et le Brady. Leurs particularités: souvent ouverts en H24, ils permettaient au spectateur muni d'un billet de voir des doubles programmes, c'est à dire deux films pour le prix d'un. Avec l'essor des complexes multiplexes (UGC, MK2, Pathe) puis d'internet, ces cinémas d'un genre particulier ont tous fermé les uns après les autres, à l'exception du Brady qui fonctionne toujours actuellement.
La cour des miracles: le spectacle est dans la salle
Au Brady, Jacques Thorens parle beaucoup du public d'habitués qui venait voir les films à la fin des années 90. Si le lieu était réputé pour sa programmation Bis, peu coûteuse en termes de droits (Le cinéma bis désigne des films réalisés en reprenant des recettes déjà éprouvées, mais tournés avec des moyens réduits et destinés au public populaire), le Brady captait un public de mal logés et d'hommes en quêtes de rencontres amoureuses qui ont vite fait des toilettes du cinéma le lieu le plus spectaculaire du Brady...
On comprend aisément que pour le prix modique d'une place de cinéma de l'époque, les sans logis pouvaient difficilement trouver mieux que de rester de 13h à minuit au chaud à regarder des films où à "roupiller" devant.
La programmation du Brady
Le cinéma diffusait à l'époque tous les films de genre sortis dans les années 70 dont beaucoup de "Bisseries italiennes". Il s'agissait pour l'essentiel de westerns spaghettis, de films de Kung Fu, horrifiques ou érotiques...parfois un patchwork, les années 70 ayant été les plus transgressives dans l'histoire du cinéma. Il faut également se souvenir que le réalisateur Jean Pierre Mocky était propriétaire du cinéma et qu'il proposait en alternance pour le prix d'une place, un film de genre et un des films qu'il avait tourné.
Aujourd'hui, le cinéma propose des films sortis récemment, avec 3 ou 4 semaines de délais, et des thématiques (cinéma indien). Il héberge aussi quelques spectacles de théâtre.
Sociologie d'un quartier
Le Brady, cinéma des damnés, c'est aussi la photographie d'un quartier populaire vaguement interlope, situé entre le Métro Strasbourg Saint Denis et la Gare de l'Est. C'est un quartier où l'on croise -entre autres- beaucoup de prostituées chinoises, des rabatteurs pour salons de coiffures Afro et quelques trafiquants en tout genre. Sur ce plan, le quartier n'a pas trop changé, il y règne toujours une certaine misère sociale.
Jacques Thorens "brosse" quelques portraits de ses collègues du cinéma (Jean le projectionniste) et de la faune qui y gravite (Django...).
Jean Pierre Mocky
Grâce un plan récurrent de l'ouvrage, l'auteur revient beaucoup sur le propriétaire du Brady de l'époque, Jean Pierre Mocky, lui consacrant plusieurs chapitres. "Grande gueule", "culotté" et près de ses sous, le réalisateur d'"Un linceul n'a pas de poches" était vraiment un grand original.
Amateur de cinéma, curieux d'un quartier et d'une époque pourtant pas si lointaine aujourd'hui révolue (...), cet ouvrage est fait pour vous.
Extraits:
Quand je suis arrivé, la formule "deux films pour le prix d'un" avait toujours cours. Un Mocky, en alternance avec de l'horreur ou une série Z. Le spectateur qui se présentait vers 17 heures pouvait même en voir trois, car on en passait un autre pour une séance unique vers 20 heures.
Le Brady a fini par être la dernière salle spécialisée dans le fantastique, la dernière à proposer du permanent et du double programme avec les copies d'époque qui circulaient encore. Un monument peu visité où l'on collectionnait l'obsolète. Expliquer chacune de ses particularités revenait à me plonger dans l'histoire des cinémas de quartier. Le Brady portait les traces de chacune de ses mutations : blaxploitation, giallo, kung-fu, western-spaghetti, porno, étrangleurs, bossus, femmes fouettées en prison, morts-vivants, lézards en plastique, érotico-cannibales, nazisploitation, j'en passe et des meilleures.
En complément, vous trouverez ci-dessous un lien retraçant la vie de ces cinémas de quartier (Brady inclus) communiqué par Pat.
Paris ciné bis documentaire-document amateur 1994
Ma note: 8/10