En cette année 1958, la petite ville de Seneca Falls, dans le Kansas, se fait une fête des étonnants spectacles d’un cirque de passage, lorsqu’un corps, avec pour seul signe distinctif ses curieux tatouages, est retrouvé sous le carrousel d’un des forains. Chargé de l’enquête, l’agent spécial Michael Travis piétine. Etrangement, alors qu’il interroge un à un les membres de la troupe, les interférences avec son propre passé se multiplient.
Une bien curieuse atmosphère imprègne ce récit, où tout semble orchestré pour nous faire perdre nos repères et nous emmener de l’autre côté du miroir, au-delà d’une réalité considérée comme rationnelle et communément admise. Il faut dire que Travis est essentiellement un homme de raison, qui n’a pas l’habitude de se laisser emporter par les émotions. Pourtant, tout dans cette affaire, au contact de forains rien moins que conventionnels, paraît destiné à le faire sortir de ses schémas habituels, dans une remise en question qui, non contente de prendre en défaut ses perceptions et ses raisonnements, menace de faire voler en éclats la carapace qu’il s’est forgée pour se prémunir du passé.
C’est donc avec curiosité que l’on se plonge dans cette narration où s’entremêlent de plus en plus inextricablement l’enquête policière et l’histoire personnelle de Travis. La spirale prend tout son temps pour s’enrouler, voire même tourner un peu en rond. Et, si le charme hypnotique du récit opère, l’impatience finit néanmoins par poindre, suivie d’un insidieux désappointement, quand tant de circonvolutions débouchent sur une explication bien trop allusivement étayée. Pourtant, en cette Amérique qui se réveille à peine de l’hystérie maccarthyste, la thèse de ce roman ne manque pas d’intérêt, et elle est l’occasion de quelques jolies réflexions sur cette ligne rouge entre intégrité et compromission, même passive, que, quoi qu’il arrive, chacun reste libre de franchir ou pas.
Malgré ses quelques longueurs et improbabilités, Le carnaval des ombres est au final une lecture agréable et prenante, dont on retiendra tout particulièrement l’originalité de son atmosphère presque dérangeante, de ses personnages peu conventionnels, et de son intrigue déroutante.
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