Une grosse vingtaine d'années après avoir interrompu sa fameuse saga de(s) Malaussène, Pennac revient en 2017 avec le premier tome d'une suite, intitulé « Ils m'ont menti », qui nous fera suivre la destinée du personnage alors que le temps a passé de façon à peu près synchronique entre l'univers du roman et le nôtre et que Benjamin a vieilli, devenu maintenant un père de famille plus âgé en retrait partiel de la vie tumultueuse de Paris.
Le roman laisse l'assez désagréable impression de constituer une photocopie grisâtre de ce qui faisait le succès des précédents romans, de la trilogie principale surtout. On retrouve la même affaire spectaculaire de fond qui va se retrouver intriquée de manière improbable avec la vie du personnage, porteuse du même type de discours de soixante-huitard un peu ronchon, tandis qu'une galerie de personnages urbains et bariolés vont se mélanger et s'aimer à travers les éclairs de leurs passions incroyables ; à ceci près que le tout paraît systématiquement esquissé, forcé, artificiel, presque totalement dépourvu surtout de ce pouvoir méta-textuel qui faisait des livres une excellente initiation sous la ceinture à une approche populaire de la littérature exigeante.
Derrière les histoires rocambolesques de flics flingueurs opposés à des tueurs en série, des bombeurs fous, ou des escrocs politiques tarés, Pennac mettait en scène une certaine idée de Paris et du noir qui créait des ponts ici avec Gadda, ici avec la poésie Renaissance, ici avec une satire des déconstructionnistes, et c'est cette alchimie qui emballait et vendait le tout, sous le regard brinquebalant de son héros maltraité à droite à gauche.
Ici, on a affaire à une espèce de satire de Bernard Tapie – pourquoi lui, pourquoi maintenant – mariée sans raison apparente, voire prise dans un nœud franchement antinomique, à un foutage de gueule en règle de la littérature blanche contemporaine, qui marche bien mais qui n'a pas grand chose à faire avec le reste. Benjamin n'apparaît que très peu, même s'il est agréable, du point de vue du renouveau de la série, de le voir regardée de l'extérieur par Alceste, ça crée un effet méta sympa, et ce personnage antipathique d'écrivain revanchard constitue d'ailleurs le seul ajout intéressant à « l'univers » du livre. Tous les grands personnages secondaires des premiers livres apparaissent de façon sporadique et opportune, sans grande importance dans l'intrigue, à part pour Titus et Silistri qui ont un rôle purement fonctionnel de flic à occuper dans la structure. Leurs enfants, qui sont censés prendre le relai, n'ont pas d'écriture pour un sou, se contentant d'être dans une espèce de principe de reproduction générative un peu douteux les simples reflets de leurs parents.
Les décors, soignés autrefois, du Paris des éditeurs, du Vercors, ou de Belleville, sont expédiés en deux mots dans un roman où la description comme la saisie de l'ambiance ont presque totalement disparu.
On hésite entre la logique de série, puisque le livre se conclue brutalement sans achever, et l'écriture plus classique du roman qui exige une forme de fermeture des enjeux qui en paraissent donc brutalisés et bâclés à la fin des 300 pages rapidement avalées. La composition boîte.
C'est un brouillon de comme avant, qui n'a pas l'air d'avoir grande idée d'où il va d'ailleurs. Décevant mais pas tellement étonnant.