En haut du Mont Chéon, un mystérieux monastère abandonné suscite la curiosité des spécialistes. Où sont passé les moines ? Quel rôle avaient ces murs couverts d'inscriptions sacrés ? C'est ce qui interroge Kang, dont le frère tout juste décédé avait commencé un manuscrit sur le sujet. Hou fait parti de ceux qui ont connu la vie dans le monastère, il s'y est réfugié après un drame. Il est hanté par son passé. Jang était colonel au moment des événements. A l'aube de sa vie il décide de confier son secret à un spécialiste en histoire religieuse. Les histoires et les époques se croisent et se complètent. Petit à petit le voile du mystère se lève et on découvre une succession d’événements tragiques dans une Corée militarisée.
Du pied de la montagne, seuls étaient visibles des rochers à pic, mais point le monastères en question. Ils grimpaient et de temps à autre lorgnaient le sommet mais jusqu'au dernier moment le monastère resta introuvable. Ils craignaient même de s'être trompés de montagne. Parvenus au sommet, ils en comprirent la raison. Sur un vaste terrain plat, des rochers aux formes curieuses se dressaient et, au creux de cette barrière naturelle, le monastère se cachait. Un ermitage exquis. Si on voulait fuir le monde, on ne pouvait trouver endroit plus propice.
Le découpage du récit et son rythme sont très particuliers et demandent de lâcher prise, d'accepter que parfois certaines histoires soient mis de coté un temps. On y reviens toujours, leurs entremêlement n'est pas le fruit du hasard. Les intrigues se nourrissent les unes des autres et offrent une vision globale de l'histoire du monastère de Mont Chéon. C'est un texte particulièrement maitrisé, l'auteur sait exactement où il souhaite nous mener et le fait avec brio.
Le récit est aussi nourri de réflexions sur la spiritualité et le psychologie humaine. Il y a de belles pages qui traitent de la jalousie, de l'amour ou la peur. L'auteur fait des pauses dans son récit pour développer ses idées et ses questionnements. Il dissèque les motivations de ses personnages et nous permet de les comprendre en profondeur. La bible est omniprésente également et habite plusieurs des personnages. C'est un miroir, une bouée, un outil pour se comprendre soi même. Les mythes qui la parcours sont porteur d'enseignement pour les personnages qui y puissent une forme de sérénité ou de compréhension du monde. La religion semble être le dernier refuge pour eux face à une régime militaire de plus en plus puissant.
Fuir la passion amoureuse est aussi irrationnel que d'être emporté par elle. Vouloir y échapper est aussi incontrôlable que tomber amoureux est irrésistible. L'absence de maîtrise est l'essence même de la passion. Un tel amour est contraint à l'irresponsabilité et à la violence
Les passages traitant des militaires, nous renseignent beaucoup sur la manière dont les soldats acceptent de suivre sans objection leur supérieur. L'auteur insiste sur le fait qu'ils sont avant tout des outils au service d'un puissant. J'ai trouvé cela très finement analysé et applicable à toute société militarisé. Je connais très peu l'histoire de la Corée mais ce roman me donne envie de la découvrir car on sent entre les lignes que les plaies sont à vif.
L'écriture est épurée et rend parfaitement compte des divers lieux et époques traversées. De l'ambiance feutrée des salons de coiffure à la rigueur des camps militaires ou encore au calme du monastère, nous sommes entrainé dans un multitude de lieux différents et vivants. A l'instar du monastère désormais vide mais dans lequel résonnent toujours l'écho des pas des moines, les lieux du roman sont vibrants de réalité et de vie. C'est quelque chose qui m'a beaucoup touché et a contribué à mon immersion dans le récit.
C'est un roman complexe et profond que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire. Il me donne envie de découvrir plus avant la littérature coréenne.