Le début du livre, soit Paule une jeune trentenaire, décidant de poursuivre à sa manière l’élevage de poulets de sa mère décédée, paraissait fantasque. Surtout parce que l’anti-héroïne du récit est végétarienne, barrée ( sûrement à cause de la solitude de son enfance sans père) et que sa grille de lecture du monde est forcément biaisée et hors sol ( et ce n’est pas drôle en soi). Plus vous avancez donc dans le récit, vous avez l’impression qu’il est constellé d’événements incroyables ( lorsque Paule se met à dos la communauté de son village, ce rapport distant et étrange qu’elle entretient avec Louis,son compagnon,faisant tout ensuite pour se mettre à la portée de son projet et retrouver un semblant d’équilibre conjugal- et la rencontre avec Fernand, pragmatique de la grande distribution qui va l’entraîner dans une entreprise dont elle ne percevra plus le sens). La qualité de Le chant du poulet sous vide, c’est l’exposition graduelle et changeante orchestrée par Lucie Rico. Il faut la suivre dans son écriture évocatrice mais retorse pour découvrir enfin où elle va embarquer le lecteur. Tout au long du livre, on aura compris cependant une vérité: que Paule se sera construite un univers dès sa tendre enfance pour ne pas sombrer. Que les poulets qu’elle aime d’un amour unique et insensé reflètent ses manques,ses fragilités ou même des besoins d’être aimé dans un confort chaud et rassurant ( qu’elle a si peu connu dans son enfance dans l’élevage de poulets de sa mère). L’épilogue du livre est fracassant et glaçant puisqu’il fait basculer Paule dans la perte de contrôle et lui fait commettre le pire. Vous êtes soulagés de refermer Le chant du poulet sous vide puisqu’il vous aura éprouvé jusqu’à la dernière ligne. Au final, un portrait de femme assez déroutant et tragique vous donnant envie d’un grand bol d’air pour retrouver vos esprits.