An epic tale of epic epicness
Oui, j'ai mis 10. La main survolant le barème, un peu fébrile, je me suis retrouvée face à moi même : pourquoi tourner autour du pot ? Malgrè mon obsession des listes et des classements culturels, je ne me laisse jamais aller à mettre la note maximale. Et pourtant que c'est beau d'accepter une oeuvre dans toute l'ampleur de son génie !
De regarder un livre et de constater le travail, la maîtrise, la technique, mais aussi l'émotion, la surprise, la sagesse qui s'en dégage. Combien de fois pendant les semaines où il m'a accompagné partout, j'ai pensé à son histoire, en me disant que ça ne pouvait pas être plus réussi ?
The Goldfinch, c'est d'abord un excellent pitch : l'histoire d'un enfant de 13 ans qui, pris dans un attentat à la bombe qui ravage une exposition de peinture flamande qu'il visite avec sa mère, se retrouve livré à lui même dans New York. En s'extirpant des ruines du musée, il échange quelques paroles avec un homme mourant, qui lui indique une adresse mystérieuse à laquelle se rendre, et le conjure d'emporter avec lui un tableau. Un petit tableau, pas plus grand qu'un A4, représentant un oiseau enchaîné. Suite à cet évènement d'une injustice et d'une violence rare, il doit faire le deuil du seul parent qu'il ait jamais aimé, et tenir la barre alors que sa vie est sens dessus dessous. Ce tableau sera son ancre émotionnelle, son lien affectif avec sa mère, son plus grand secret. Le livre parle des répercussions de ce secret sur sa vie.
S'en suit un conte moderne, épique, un Bildungsroman (ou "roman d'apprentissage") en bonne et dûe forme, entre Harry Potter, The Catcher in the Rye et Great Expectations. « Dickens avec des flingues, Dostoïevski sous amphétamines », selon le Times. Une histoire aux ressources infinies, qui nous promène aux quatre coins de la psyché des personnages, dans des situations qui peuvent sembler toutes plus improbables les unes que les autres. Mais Donna Tartt maîtrise son sujet, le transcende, et nous laisse bouche bée à chaque rebondissement, secoués, émus. Les presque 900 pages filent à toute allure, et plus la fin approche, plus l'anxiété grandit. The Goldfinch fait partie de ces histoires qui nous font dire : "Et après ? Comment continuer ?". Comment dire adieu à ces personnages, comment accepter qu'il ne sont que fiction ? Comment faire sans leur voix ?
J'ai vu des gens blamer les dernières pages du livre, dans lesquelles le héros s'adresse directement à son "non-lecteur" pour clôturer sa confession, leur reprochant d'être trop mielleuses. Je ne suis pas d'accord. J'y ai vu la flamboyance et la sincérité déchirante d'un Humbert Humbert alors qu'il achève sa confession dans Lolita.
Ce livre est, à mes yeux, un triomphe littéraire.