Il fut un temps où je préférais les Maigret aux "romans durs" de Simenon, maudissant la Médiathèque de ma ville qui proposait la plupart des seconds, et très peu des premiers.
J'ai désormais compris pourquoi la plupart des vrais amateurs de Simenon considèrent au mieux les Maigret comme d'aimables divertissements. On n'y retrouve que rarement la densité psychologique des "romans durs".
De plus, "Le charretier de la Providence" n'est chronologiquement que la deuxième enquête du commissaire, publiée en 1931, figurant parmi la première salve de 19 romans écrits par l'auteur. Ces premiers polars apparaissent assez laborieux, on sent que Simenon manque encore de métier, n'étant pas toujours très à l'aise avec la narration. Le romancier belge le reconnaît lui-même, c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il choisit un personnage central récurrent, afin de "mener le jeu", ce qui rassure Simenon à l'époque.
Bref, à l'image de la plupart de ces 19 Maigret inauguraux, la lecture du "Charretier de la Providence" se révèle agréable, mais sans plus...
Parmi les atouts du livre figure la description de l'univers des mariniers et des éclusiers à cette époque, toute l'intrigue se déroulant aux abords d'un canal de la Marne, sur lequel circulent de nombreuses péniches, encore tractées par des chevaux pour certaines...
Le contexte obsolète du début des années 30 transparaît également dans les techniques d'enquêtes policières, avec par exemple l'utilisation du bélinographe.
A l'arrivée, un roman policier aussi agréable que vieillot, dans lequel Simenon fait déjà preuve de son talent admirable pour esquisser une atmosphère prégnante et singulière.