Le récit commence par l’introduction des deux personnages principaux, le prince Florizel et le colonel Geraldine, qui, décidés à forcer le hasard qui devra les conduire à leur prochaine aventure, arpentent les rues de Londres incognito. Ils finissent par rencontrer un jeune homme, distribuant des gâteaux à qui accepte de les manger, avalant les restes en cas de refus. Attiré par son étrange manège, le prince l’invite à sa table.

"Tout me dit que je ne devrais pas vous conter mon histoire. Peut-être est-ce là tout simplement pourquoi je m’en vais le faire. Quoi qu’il en soit, vous semblez si désireux d’entendre un conte absurde que je n’aurai pas le coeur de vous décevoir."

C’est ainsi que débutent, à la manière de tous les récits d’aventure, les trois nouvelles, liées par l’existence du Club du Suicide et de son Président.

La première se suffit à elle-même. Elle s’ouvre sur le début de l’aventure londonienne, suit ses personnages jusque dans le Club, lieu impénétrable et malsain, dont on découvre peu à peu l’horreur. Le récit est rythmé, les personnages solides et cohérents jusqu’aux plus secondaires d’entre eux. Puis la nouvelle se termine, sans suite probable. Le récit suivant présente un nouveau personnage et une situation qui ne rappelle a priori en rien celle du prince.
Mais les trois récits, que l’on peut aussi bien considérer comme des chapitres, offrent en réalité trois perspectives de la même aventure, dont les personnages centraux sont tour à tour le prince Florizel, Silas Q.Scuddamore et le lieutenant Brackenbury Rich. A chaque introduction, Stevenson étend son histoire à des cadres et des personnalités différentes, et, à la manière du prince Florizel qui rencontra par hasard le jeune homme aux tartes à la crème, laisse ses nouveaux personnages à la merci de la fortune, qui les mêlera à leur tour au Club du Suicide.
La dynamique du récit d’introduction s’en trouve quelque peu brisée, et tout le suspens et le malaise apportés par la découverte du Club sont oubliés dès la fin du premier conte. On s’attachera alors davantage à cette mise en scène du hasard, qui semble être la préoccupation de Stevenson, plutôt qu’au déroulement plus lent et moins nourri du reste de l’histoire.

Dans l’ensemble, Le Club du Suicide a le mérite du risque; celui pris par le prince qui jouera lui-même une partie de cartes mortelle, décidant de la suite de l’aventure, et celui auquel Stevenson s’essaie, en multipliant les points de vues distincts de personnages tout en pariant sur la vigilance du lecteur. Il dessine ainsi trois contes qu’il nomment indépendamment, chacun dépendant pourtant du précédent, prouvant une fois encore sa gestion du déroulement narratif.

On reconnaît évidemment, dans cette rapide lecture, les formidables tournures de phrases de cet écrivain qui donne l’illusion de savoir tout raconter, et qui manie avec originalité le difficile exercice de la nouvelle.
Sarah_Beaulieu
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le 15 janv. 2014

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Sarah Beaulieu

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