Dernier volume du premier cycle d’Autre-Monde, Le Cœur de la Terre cristallise parfaitement les atouts et faiblesses des deux précédents bouquins, tout en entérinant la dynamique propre à Malronce : une violence allant crescendo, marque d’un univers levant peu à peu le voile sur d’inégaux mystères. Inégaux car la prévisibilité du volet « prophétique », où tout tourne autour du brave Matt, échoue à surprendre : nous le pressentions depuis un moment, aussi les « retrouvailles » familiales y perdre gros en saveur.
Mais surtout, la logique d’une telle mécanique (et vice-versa) interroge quant à ses fondements : sur ce point, Chattam donne encore plus l’impression de ne pas trop savoir sur quel pied danser, celui-ci évitant l’argumentaire magique au profit de celui « écologique », tel le caprice d’une planète des plus imaginatives. L’imagerie très développée et symbolique du Raupéroden est des plus illustratives du procédé, sympathique dans la pratique mais douteux dans le fond, tandis que l’identité de Malronce et sa cruauté caractéristique tendent à verser dans une vilaine gratuité.
Pour le reste, il y a un semblant de redite dans la majorité du déroulé de ce troisième opus, le voyage aller et retour dans le Royaume des cyniks faisant la part belle à une facilité déroutante et l’impact modéré d’intrigues et enjeux annexes (telle la trahison pressentie d’un certain Pan). Comme à l’accoutumée, Le Cœur de la Terre est de toute façon très simpliste et brut dans son emploi des différentes forces à l’œuvre, la chose se ressentant vivement sur le plan stratégique/guerrier : ce qui, en finalité, tend à atténuer ses ambitions remuantes, ses morts en pagaille et le tour que prendra la bataille finale se voyant traité d’une drôle de façon… pour ne pas dire enfantine.
S’il n’est pas un mauvais roman, Le Cœur de la Terre ne marque donc pas un tournant dans la saga prometteuse qu’est Autre-Monde. Mais nous lirons avec une certaine curiosité la suite, ce qui est déjà une victoire en soi.