Ceux qui ont commencé à lire Céline Coulon avec Le roi n'a pas sommeil ont été d'emblée estomaqués, à quelques exceptions près, par le style et la puissance d'évocation de cette jeune romancière indéniablement douée. D'où la semi-déception provoquée depuis par la lecture de ses deux autres livres (Méfiez-vous des enfants sages et Le rire du grand blessé) comme si, quoi qu'elle écrive, à l'aune de son roman majeur, il était impossible qu'elle atteignît les mêmes hauteurs. A moins que ce ne soit le lecteur qui ne puisse retrouver les sensations d'une première fois. Le coeur du pélican est le roman d'un jeune garçon en colère, puis résigné, puis de nouveau enragé 20 ans plus tard. Pourquoi tant de haine ? Le mal de vivre, la médiocrité des autres, y compris de celle qui est devenue sa femme par défaut, puisque il a (à ses propres yeux) déçu son grand amour et que sa soeur, dont il tait le désir qu'il a pour elle, est taboue. Drôle de personnage, cet Anthime, surnommé le pélican, qui a trouvé la course pour seule échappatoire. Exutoire de douleur pour oublier que la vie est une chienne indocile. La langue de Cécile Coulon est envahie de la même rage que celle du pélican. Dans un premier temps, elle subjugue, elle assomme par sa violence contenue ou exprimée. Mais il y a un moment où cette prose enflammée apparait comme surchargée par les métaphores, essoufflée comme après un marathon. De plus, un gros défaut de crédibilité s'insinue. Comment cet athlète terrassé par la blessure avant même d'avoir accompli de performances notoires peut-il être aussi célèbre, iconisé même par une foule avide de héros alors qu'il a accompli si peu ? Passons. Le coeur du pélican est loin de laisser indifférent, il se lit avec ardeur au moins jusqu'à mi-parcours avant de rendre perplexe. Laissons souffler la romancière, elle a du coffre et peut-être attend-elle encore un peu avant de nous mettre K.O à nouveau. Elle en a la moyens, cela ne fait aucun doute.