Quand j’ai trouvé le livre dans un gîte rural, j’ai dévoré les trente premières pages… puis je suis parti en me promettant de terminer la lecture plus tard. Une adoption, une femme torturée par un passé traumatique, un accident étrange et des événements parfaitement rythmés ; un polar hypnotique intéressant.
Mais, rapidement, les fragilités du roman apparaissent. Et, surtout, des facilités d’écriture, voire une certaine malhonnêteté d’écrivain vient irriter le lecteur, et même, ce qui a été mon cas, provoquer la colère.
Car le mot n’est pas trop trop fort : j’ai ressenti une vraie colère. Tout d’abord, passées les pages qui plantent le décor, on se rend vite compte que l’auteur enfile les personnages comme des perles autour de son héroïne. Sortes d’aides passagères, qui déboulent dans le flot linéaire de la narration et disparaissent quand leur utilité est superflue. Ensuite, et surtout, une préciosité de la rédaction m’a laissé pantois. L’auteur n’hésite pas à ponctuer son récit de digressions, parfois grotesques, mais surtout parsème ses pages de descriptions souvent grandiloquentes ou ridicules.
Allez ; florilège. Notre personnage central doit se déplacer en Mongolie. Soit. Elle débarque à l’aéroport et tombe nez à nez avec… un Italien, attaché à l’ambassade qui n’a rien de mieux à faire que de trainer là à la recherche de voyageurs occidentaux auxquels il propose son aide… et celui-ci ira jusqu’à partir à l’aventure à 1000km de la capitale, avec une totale inconnue, dans une quête improbable ! Et des aides temporaires et providentielles, Diane (l’héroïne donc) va en croiser plusieurs. Pour leur malheur… mais pour la bonne cause de la marche narrative.
Ensuite, les tics stylistiques. Et celui qui m’a le plus agacé, ce sont les phrases sans verbe. Exemple. Une rencontre au salon d’un hotel : « Le serveur déposa un lourd plateau d’argent sur la table. Eclat noir du café. Douceur rouge du Earl Grey. » C’est joli, un peu précieux dans un polar, mais bon. Le problème, c’est que cette facilité est répétée à plusieurs reprises dans le premier tiers du roman. C’est un détail, mais ça démontre une certaine naïveté de l’auteur. Ce genre de gâterie, on le sert une fois, pas cinq ou six fois.
Continuons avec les envolées lyriques. Exemple. Diane doit aller sur une presqu’ile. Pour cela, allez savoir pourquoi, elle doit marcher dans l’eau (quel intérêt si c’est une presqu’ile ?)… Nous sommes dans un polar, les chapitres veulent s’enchaîner à un rythme soutenu. Notre héroïne s’enfonce dans l’onde… « Elle s’imprégnait, ruisselait, dégoulinait. Elle se sentait à la fois aspirée par le lac et écrasée par la pluie. Elle était, littéralement, la femme entre deux eaux. » Cette dernière phrase m’a interpellé. Tiens, une référence littéraire peut-être ? Non, un simple effet de manche. Et des phrases pompeuses comme ça, il y en a au moins une par double page. On dirait que l’auteur a écrit devant un miroir, tel Narcisse au bord de la rivière. Autre exemple. Diane arrive en voiture dans un monastère. « Les contours des fenêtres, bruns et écaillés, ressemblaient à des cadres mystérieux qui donnaient envie de se pencher pour plonger dans les secrets du monastère. » Bon, heureusement, les contours n’avaient pas de reflets « mordorés » car voilà un adjectif apprécié de l’auteur, qui l’a casé à de nombreuses reprises… « En quelques secondes, franchi l’imposant portail de poutres, le lieu se métamorphosait en un berceau d’or qui envoûtait le regard et laissait au coeur une poudre étincelante et précieuse. » Des descriptions délirantes de cet acabit, il y en a à foison. Epuisant. Enfin terminons avec les digressions précieuses. Diane a rendez-vous dans un château, isolé bien sûr. Nuit tombante, portail ouvert, nulle âme qui vive… Bien entendu, la porte est ouverte. Elle entre… et tombe sur une expo de Mondrian. Et là, l’auteur suspend la narration et, tel un Jules Verne présentant sur des pages et des pages les insondables mystères entourant le Nautilus, mais sans sa verve ni son talent, le voilà-t-il pas en train de nous faire un traité sur le peintre, première période (couleurs, moulins décharnés…) la seconde période du maître (arbres hiératiques, noirs, rouges…) puis les toiles de la maturité. Bon, j’arrête. Evidemment, notre Diane, qui n’est pas spécialiste de l’art, voue opportunément une passion pour ce peintre. Trop top non ?… Rassurez-vous, ce pensum ne tient que sur une page… les méchants débarquent assez vite et le sang va à nouveau couler à flots.
Je vous fais grâce de la seconde partie du livre, qui vire à l’aventure ésotérique et mystique absolument pas maîtrisée, à tel point que notre Diane, pas du tout chasseresse, se doit d’échafauder des hypothèses abracadabrantesques (qui se révéleront partiellement justes) pour tenter de maintenir le roman sur les rails. Le lecteur, lui, a arrêté d’y croire dès l’atterrissage à Moscou et observe attentivement le nombre de pages qui lui reste à lire.
Alors, pour faire un digest : c’est mal écrit. C’est brouillon. C’est boursouflé de suffisance. On sent assez rapidement que l’auteur ne cherche pas à faire œuvre, mais à surfer sur la vague du succès.
Ah, au fait, je ne vous l’ai pas encore dit. Je n’ai pas aimé.