Je ressens une immense compassion et admiration pour Vanessa S. Que de lutte et d’effort dans son parcours pour comprendre, réparer, dépasser autant que possible ce qu’elle a vécu à 14 ans… Nous sommes trente ans plus tard. Elle se dévoile, décrit un homme, raconte. C’est cru, factuel, criant d’anormalité, glaçant. Vanessa S. est sans complaisance pour elle-même. Elle était amoureuse à 14 ans d’un homme brillant de 50 ans et défendait fièrement sa relation, du moins au début… Et alors ?
Et bien, ce que Vanessa S. décrit est l’opposé d’une relation consentie : c’est bien une manipulation par un être dominant, c’est un prédateur qui tourne autour d’une proie fragile et innocente, qui la modèle et l’éduque pour ses désirs, qui la coupe de ses pairs et de ses propres aspirations. Il y a confusion car l’enfant-adolescente est pubère, car il n’y a pas de violence physique…
Et que dire de la défaillance des parents et de la société… ?
Je suis soulagée de n’avoir rien lu de G.M. Je suis soulagée de n’avoir pas fait partie de ceux qui, au nom de leur époque et leur génération, ou au nom de l’art littéraire, ont respecté et admiré cet écrivain, ont toléré l’existence dans sa vie et l’exhibition dans ses écrits de ses désirs et de sa vie sexuelle. Cela me trouble profondément que si peu de personnes comme Denise Bombardier, publiquement en 1990, aient été capables de penser aux enfants et adolescents avant tout, … et d’alerter sur la profondeur de leurs traumatismes psychiques pour leur vie à venir.
De plus en plus, grâce à ces paroles de victimes, à des témoignage forts comme celui-ci, on ne peut plus dire qu’on ne sait pas, qu’on ne voit pas. Un respect est reconnu à l’innocence et une évolution positive des mentalités, des sociétés, des législations, est possible. Par ce livre, une certaine justice est rendue. G.M. est pris à son propre piège, le voilà enfermé dans un livre, en personnage ignoble. C’est ce que j’espère que la postérité retiendra.