Il était une fois un prince qui aimait une bergère...

Une pièce tout à fait charmante et originale.

Elle semble pourtant reposer sur des éléments d’intrigue convenus : un prince aime une bergère, mais alors que cet amour semble voué à l’échec, elle se révèle de bien plus haute naissance qu’on ne le pensait, ce qui rend enfin possible le mariage. Mais Shakespeare relègue cette intrigue dans les deux derniers actes, et fait voir d’abord ce que d’habitude on ne voit pas : les circonstances qui ont fait que la princesse a été abandonnée à la naissance. Et c’est, dans les trois premiers actes, le tableau terrible d’une jalousie extrême qui se saisit du roi comme un coup de folie. L’on est alors plus proche de la tragédie d’Othello que d’une comédie.

Shakespeare sait aussi déjouer les attentes dans le dénouement. L’on est d’abord frustré car la scène de reconnaissance attendue est remplacée par des récits de messager, mais c’est pour donner lieu à un final extraordinaire.

Le spectateur hésite entre l’explication surnaturelle (la statue s’est miraculeusement métamorphosée en Hermione ressuscitée), et une autre plus réaliste (Paulina a caché la reine pendant seize ans). Peut-être y a-t-il là une réflexion de Shakespeare sur le théâtre, qui peut soit apparaître comme un simple artifice, plus ou moins ingénieux, soit, par le miracle de la parole, symbolisé par les incantations de Paulina qui animent la statue, et la foi que lui prête le spectateur, devenir le lieu sacré où se crée une nouvelle réalité.

Mais ce qui a surtout suscité mon intérêt, c’est la façon dont sont construits les personnages : ce sont là aussi des rôles assez conventionnels, mais chacun est parfaitement campé, a sa personnalité et semble original et humain. Par exemple, le prince Florizel exprime de façon magnifique un amour pur et passionné. Léontès, le roi jaloux puis repentant, est également un rôle extraordinaire. Mais c’est selon moi un personnage féminin qui est le plus frappant, celui de Paulina, avocate acharnée de la reine bafouée, qui n’hésite pas à traiter le roi de tyran et à lui reprocher amèrement, presque jusqu’au dénouement, son égarement funeste.

Il y a une vraie grâce dans cette pièce qui, même dans ses parties les plus tragiques, ne se départit jamais d’une certaine légèreté.

Ascyltus
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Créée

le 27 juil. 2024

Modifiée

le 9 sept. 2024

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Ascyltus

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