Près de trois heures après la fin de ce film, il continue à me plonger dans la mélancolie ; je me disais au moment où commençait le générique, que j’aurais besoin d’une distraction légère ce soir, mais maintenant une telle légèreté me semblerait désagréablement futile.
Pourtant, il y a bien des défauts, ou des choses que je n’ai pas aimées :
- Le début est trop haché, et la virulence des débats à l’Assemblée semble exagérée (presque tous les discours politiques dans le film sont vociférés). Le débat éthique sur l’avortement est donc assez mal présenté, et ses opposants, même si on peut juger très sévèrement leurs positions, ne peuvent être assimilés aux nazis, comme le film semble parfois le suggérer (surtout, et c’est à nouveau bien sûr tout à fait contestable, quand leur opposition se fonde sur la dignité de tout être humain, dès la conception). De même, il aurait été intéressant de parler davantage du contexte, et notamment des avortements clandestins.
- Ne fumait-on pas bien davantage aux époques filmées ?
- Le mari âgé de Simone ne joue que le contentement et la fierté
- La mort de Milou est annoncée de façon extrêmement lourde : « ne parle surtout pas de voiture », la photo avant le départ…
- Le premier flashback concernant les camps m’a déplu, car il versait dans le cliché consistant à ne les représenter qu’en noir et blanc. Heureusement, il n’en a pas été de même ensuite. Par contre, la musique m’a semblé beaucoup trop prégnante. Amon avis il aurait été plus pertinent de faire entendre seulement les ordres en allemand, les aboiements des chiens, les cris de ceux qu’on sépare. Mais peut-être cela a-t-il été déjà fait dans La Liste de Schindler.
- On aurait pu nuancer un peu l’hagiographie en montrant les errements et les difficultés de la fin de sa vie, que ce soit sa maladie d’Alzheimer ou son opposition au mariage pour tous, alors qu’elle était déjà diminuée et instrumentalisée par son mari, très conservateur.
- Au début, à un moment, je n’ai pas du tout entendu la prononciation très nette, un peu sèche de Simone Veil (c’était beaucoup mieux ensuite).
- Des expositions souvent lourdes.
Néanmoins, c’est un film qui m’a souvent bouleversé. Alors même que le début de la scène de crise de nerfs m’agaçait (j’ai vu ensuite que le réalisateur était celui de La Môme, et l’on reconnaît chez lui un goût d’une expression hyperbolique des passions : un deuil profond et soudain, selon Dahan, ne peut être exprimé qu’en hurlant « Marcel » ou « Milou »), j’ai ressenti tout d’un coup d’un grand frisson. Quel silence dans la salle à la fin du film ! Le retour à Auschwitz est extraordinaire. De dos, on croit voir Simone Veil elle-même (mais pourquoi ne pas montrer les photographes de Paris Match ?). Cette façon dont elle caresse ce lit qui dans l’opinion commune est synonyme d’horreur mais qui, à elle, rappelle la présence de sa mère, est terrible.
Je craignais que le film ne soit très centré sur les camps : qu’il se concentre davantage sur la vie après le rend bien plus intéressant.
Enfin, c’est un film qui donne envie de faire de la politique. Certes, il en gomme beaucoup les bassesses, mais il sait montrer la force d'un engagement.