Orphée, vous connaissez? Mais si! Amoureux d’Eurydice, il n’hésita pas à descendre aux enfers pour retrouver l’âme de sa belle. Attention, à ne pas confondre avec Morphée, dieu des rêves ???? . Ainsi donc Orphée, joueur de lyre, poète, est le narrateur de sa propre histoire. Il raconte son unique amour perdu, son aventure sur l’Argo, le bateau de Jason et les Argonautes.
Avec ce récit, Robert Silverberg réécrit le mythe d’Orphée. C’est agréable et magnifiquement bien fait. Il se dégage de ces pages une certaine poésie, un certaine lyrisme, une tension tragique qui correspondent parfaitement au personnage d’Orphée, que je connaissais finalement bien peu! Il faut dire que les mythologies gréco-latines, bien que davantage représentées dans nos contrées que les autres, n’ont pas vraiment ma préférence. Dans ce texte, Orphée s’interroge sur le destin: nos vies sont-elles toutes tracées, déjà écrites, ou sont-elles vraiment le résultat de nos choix?
« Donc, les dieux m’offrirent Eurydice; ou plutôt, ils la placèrent sur mon chemin, même si je crus faire ce choix moi-même. D’accord, disons que je l’aie choisie moi-même; vous êtes nombreux à croire que cette possibilité existe réellement en ce bas monde, je le sais. » (p. 32)
Fataliste, Orphée accepte son sort, ses souffrances. Et même si le chagrin amoureux est difficile à surmonter, si sa fin est particulièrement violente, il revit tout cela, chaque épreuve, encore.
« Ce sera mon dernier chant. Il est pour toi, Musée, mon fils. Il te dira tout ce qu’il y a à savoir sur ma vie. Mon dernier chant, mais aussi le premier, car la fin est le commencement et, pour moi, il n’y a ni fins ni commencements; seulement le cercle de l’éternité. » (p.17)
En fait, ce roman constitue un cycle. Le cycle de la vie. On peut aisément, une fois qu’on l’a terminé, le recommencer. Sa fin, son début, permettent de le voir comme un cercle, de le lire sans fin. On y suit la « naissance » d’Orphée, son « éducation », son apprentissage initié par Apollon, l’amour, les voyages, les souffrances, les pertes, la mort. La Vie, en somme.
Une réécriture de mythe que j’ai trouvé sublime, et qui m’a donné envie de me replonger dans les textes d’Ovide et d’Homère.