Un excellent roman, qui souffre néanmoins d'un défaut que je souhaite tout de suite souligner.
Les deux premières parties du roman (qui en comptent sept) sont des biographies de nos deux héros (avant leur rencontre).
Hors, si c'est évidemment très intéressant pour comprendre la psychologie de Anne et de Herbert, il m'est pénible de lire des passages où des personnages dont on ne connaît rien sont trop rapidement évoqués, il s'agit presque d'un registre d'informations, en somme c'est trop factuel. Il aurait été préférable de débuter le livre par la rencontre de Anne et de Herbert et d'évoquer progressivement et petit à petit leurs antécédents. Et j'ai craint alors que ce ne serait pas un livre pour moi.
Mais quelle erreur !
Dès que la "catastrophe" se produit, le récit s'avère magistral et incroyablement prenant.
Le roman traite d'un homme contraint d'épouser une femme qu'il n'aime pas : Anne.
Une femme vieille (21 ans de plus que le héros), une femme vulgaire, méchante, possessive, libidineuse, et laide... A ce sujet, ma perception a d'ailleurs changé au cours du roman. Au début, j'imaginais Anne comme une femme mature ayant certes des défauts, mais globalement acceptable. Et puis, Lewisohn décrit "le visage bouffi", "la teinture des cheveux", "le kimono sale", "le reniflement" et on s'imagine au final une espèce de harpie répugnante, une créature hideuse, tout droit sorti des recoins les plus infâmes de la mythologie.
Lewisohn a peut-être réussi à créer la femme la plus abjecte de toute l'histoire de la littérature (une sacrée performance !), qui pourtant n'en manque pas. Je pense à Mme de Burne dans le magnifique "notre coeur" de Maupassant ou bien Emilienne dans "la plage d'ostende" (qui dépeint aussi un mariage horrible) de Jacqueline Harman.
En fait, je crois que j'aurais baptisé ce roman "Anne", pour célébrer ce personnage inoubliable, la profondeur de la scélératesse humaine.