Le Diable, tout le temps par Nanash
Quand les Américains veulent écrire du sale, qu'est-ce qu'ils sont bons ! Aux alentours de la "riante" bourgade de Meade - Ohio, Donald Ray Pollock nous invite à suivre plusieurs destins qui s'entrechoquent dans une ambiance redneck transpirante bien lourde.
Utiliser des personnages foutraques cela fonctionne toujours quand la qualité de l'écriture est là - et c'est le cas - mais pour vraiment faire un excellent roman il faut un ou plusieurs thèmes. Donald Ray Pollock insuffle dans son récit un fanatisme religieux dégueulasse entre les prédicateurs itinérants, le pasteur prédateur sexuel et les cultes détournés de la foi catholique à base de sacrifices d'animaux. C'est l'Amérique malade de ses fondamentalismes et de ses contradictions que nous montre l'auteur.
Le second aspect du roman c'est aussi la dureté qui s'en dégage, car souvent, qui dit roman Américain dit aussi crudité des propos, en tout cas dans la majorité des romans que j'ai lu. Si cela semble obligatoire dans le cahier des charges du genre, l'auteur réussit avec brio à nous tirer des grimaces de dégoût sans aller jusqu'à la nausée, malgré certains moments de supplices anatomiquement bien sales.
La saleté et la religion sont les deux aspects les plus représentatifs du roman. Les personnages sont la plupart du temps poisseux de crasse d'être toujours sur la route sans confort, les lieux suintent aussi de crasse et de sang. Lorsque l'on regarde rapidement le parcours du l'auteur, il devient frappant que le réalisme terrifiant du livre ne pouvait que venir de son expérience, Pollock est né et vit dans l'Ohio où il fut ouvrier pendant des décennies dans l'industrie, une fiction oui, mais que l’on n’imagine pas si loin des histoires locales.
D'une construction classique mais très bien maîtrisée alternant entre plusieurs personnages aux liens ténus dont les destins finissent par se croiser, le roman donne tout de même une leçon de narration. Le rythme imposé par l'auteur est soutenu sans jamais s’essouffler et chaque personnage tient sa place, que l'on s'y attache ou pas on n’a pas l'envie de rapidement finir certains passages pour retrouver une intrigue plutôt qu'une autre. En partie parce que le roman se déroule dans les années 50, on a vraiment l'impression que le roman a été écrit il y a des décennies, à aucun moment je n'ai suspecté qu'il était sorti si récemment en 2012.
Un roman fascinant sur l'Amérique profonde, malade de ses contradiction où peu sont ceux qui trouveront la rédemption. 8/10