Etrange comme, de temps à autre, la paranoïa peut coïncider avec la réalité.

[Science Fiction (Anticipation)]


Nul ne décrit l'horreur du simulacre et la sensation de paranoïa aussi bien que le faisait le Géant de la SF, Philip K. Dick. Le Dieu Venu du Centaure est l'un de ses classiques, un roman follement déboussolant, conduisant aux frontières de la galaxie et de la raison.


L'histoire prend place dans un futur relativement proche, l'humanité est terrassée par une catastrophe écologique, la température extérieure atteint aisément les 80°, l'ONU ayant prit le pouvoir sur ce nouveau monde unifié a lancé il y a quelques décennies de cela un projet de colonisation de plusieurs planètes de notre système solaire. Un décor peu original me direz-vous, mais il ne s'agit là que d'un décor. Nous suivons le quotidien de Barney Mayerson, homme d'affaire préscient travaillant dans la société Combiné P.P. dirigée par un puissant et influent industriel, Léo Bulero. Cette société et spécialisée dans la "minification", procédé permettant de réduire des objets de taille à rentrer dans une maison de poupée, ces produits étant ensuite envoyés à destination des colons sur d'autres planètes afin les aider à supporter leurs quotidiens.


Nous sommes ici dans un univers typiquement dickien, la liberté n'y est décrite que comme surface de la vérité, elle y est nulle, les colons ne sont ni volontaires ni engagés, ils sont engagés de force, c'est là que nous comprenons mieux l'intrigue. Les objets minifiés, avec comme figure de proue "Poupée Pat", sont plus qu'un échappatoire pour ces prisonniers spatiaux, ils leurs permettent en réalité de ce projeter dans des hallucinations collectives leurs permettant de prendre place dans les corps des petites poupées et, ainsi de s'imaginer de nouveau sur Terre, dans une vie meilleure régie par la force de l'imagination, tout ceci ne pouvant se réaliser que par l'utilisation d'une maquette ("combiné") et d'une drogue appelée le D-Liss, tous deux fournies par l'entreprise de Léo Bulero ayant le monopole du marché.


Philip K. Dick nous plonge dans ce livre dans son univers ésotérique ; la religion et plus généralement Dieu sont au centre de l'histoire. Ce qui se remarque très vite au travers des expériences que vivent les habitants de Mars via le cocktail "D-Liss/ Combiné Poupée Pat", ce qu'ils nomment la "translation", décrite comme une expérience mystique transcendant la vie de ses personnages et leur offrant une échappatoire à la réalité proche d'une sorte de paradis (?) ; les simulacres, thématique propre à l'œuvre de l'auteur, sont omniprésents, l'effet LSD perdant rapidement le rythme de lecture pour faire sombrer le lecteur dans un casse-tête incompréhensible de surface, jusqu'à la véritable arrivée du personnage de Palmer Eldritch.


Ce dernier est un personnage sur lequel nous ne savons rien mis à part qu'il revient d'un voyage de dix ans du système solaire de Proxima du Centaure. Aussitôt revenu par chez nous, ce curieux antagoniste ne perd pas de temps pour ce lancer dans le commerce, cherchant à devenir le nouveau leader du marché colonial, recrutant dans un premier temps des artistes capables de créer de nouveaux objets à minifier, il passe vite au niveau supérieur en proposant un produit capable de remplacer le D-Liss, le K-Priss, une nouvelle drogue inconnue issue d'une herbe proxienne, encore plus puissante que sa grande soeur, enfermant le consommateur dans une nouvelle dimension où le temps, l'espace et la perception de toute chose n'est aucunement comparable à la nôtre, à ceci près qu'elle ne se base que sur l'esprit de celui qui en prend. Ce qui ne va évidemment pas plaire à Léo Bulero et son collaborateur Barney Mayerson.


Voici les principaux éléments de l'intrigue, je ne raconterai évidemment pas toute l'histoire ici pour ceux qui n'auraient pas lu ce classique, rentrons plutôt dans une analyse de ce que dégage l'œuvre.


Comme expliqué précédemment, nous explorons ici une thématique théologique, dans lequel le romancier cherche à expliquer certaines de ses thèses spirituelles (le monsieur était très chrétien). Nous rentrons avec le Dieu Venu du Centaure dans un monde gnostique, ou les délires hallucinatoires représentent une nouvelle facette de la création, un endroit où chacun créé sa propre réalité, son propre monde dans lequel le créateur, ou plutôt celui qui a donné cette possibilité, l'homme qui a "inventé" (popularisé (?)) cette nouvelle drogue est le Dieu tout puissant.
Palmer Eldritch y représente une figure iconique, un démiurge cherchant à remplacer le vrai Dieu, en créant un nouvel univers dans lequel Il est l'omniscience et l'omnipotence en étant une partie de chaque être.


Si l'antagoniste n'est pas vraiment celui qu'il paraît être, le héros lui, est une sorte de dépressif regrettant son passé mais qui par la force des choses se retrouve résigné. Il est un peu ici le symbole d'une certaine résistance contre le démiurge tout en sachant que tout ça ne servira à rien, qu'il est condamné, une sorte de héros de drame-romantique, influencent la certitude grandissante du lecteur sur le fait que l'entité cherche à prendre place en tant que puissance, à remplacer la réalité par le simulacre dans lequel il régnerait.


Un ésoterisme propre à l'auteur proche des questions soulevée dans Ubik, perdant le lectorat dans une acculation de réalités faussées jusqu'à remonter dans le monde réel où la fausse divinité commence peu à peu à émerger. Une confusion troublante montrant les couches de vérités toutes polluées d'illusions mensongères dans lesquelles nos héros se plaisent à vivre, où il se sentent rassurés, que ce soit vrai ou non pour eux, cela n'a plus d'importance du moment qu'ils y sont libre et heureux, ils ont beaux essayer de lutter contre celui voulant détrôner Dieu, ils finissent par se rendre compte que ce n'est rien d'autre que leur connerie qui le conduit vers les sommets de la puissance, car le démiurge devient omnipotent, même si son nom est bafoué, en devenant une partie de chacun, il s'immisce peu à peu dans les esprits et les cœurs afin de survivre, d'être une entité immortelle, universelle, faite pour durer et commettre un déicide. C'est ce que nous comprenons à la fin du roman, sans raconter l'histoire, quand tout le monde se rend compte qu'ils ont "les trois stigmates" et que cela leur paraît naturel malgré toutes les actions qu'ils ont menés contre ce démiurge pour le détruire. Une fatalité nouvelle qui leur semble immuable et qui finit par leur paraître comme ayant toujours existée.


Le Dieu Venu du Centaure est un livre complexe, avec une réflexion très forte que je ne peux tenter d'expliquer que partiellement dans cette chronique, le lire est le seul moyen de s'imprégner de son contenu. Du grand Philip K. Dick, il y expose tous ces thèmes habituels dans une réflexion différentes de ses plus grands standards, où le sujet n'est pas l'humain, mais Dieu. Je ne peux tout décrire, tout raconter sous peine soit d'en oublier, soit d'influencer votre compréhension, soit de vous gâcher l'histoire.
De la grande Science-Fiction !


VR_

ubik48
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le 30 sept. 2017

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