Un livre tout à fait intriguant de la part de Dostoeivski puisqu'il semble muni de quelques caractéristiques d'avant-garde qui ne plurent pas à la critique de l'époque. Le livre avait été mal accueilli car son sujet était trop flou. Oui le sujet est flou mais également le style qui choisit de placer dans la bouche du héros Goliadkine un discours confus, sans-arrêt embrouillé. Goliadkine est un véritable paumé affreusement persécuté par ses collègues et ses supérieurs mais surtout par lui-même, son double. Mais contrairement à ce que l'on peut croire, le récit ne s'arrête pas à l'histoire de ce double, il nous narre une descente aux enfers d'un homme mal-à-l'aise en société, maladroit et qui frôle à la fois le burlesque (dans les dialogues) et l'absurde (dans les comportements). Ce côté absurde qui est souvent mis en avant donne le ton au livre de la première à la dernière page et embrouille le lecteur. On a l'impression d'être dans du Kafka mais bien avant Kafka, sauf que l'absurde de Dostoïevski semble moins symbolique qu'émotionnel. Tout porte sur les sentiments du héros et sur ce qu'il ressent lors de ses mésaventures. L'histoire baigne dans quatre types d'émotions : la frustration, l'incompréhension, la surprise et la honte.
Quatre axes qui sont les rails de l'histoire et qui dirigent le lecteur dans une intrigue de plus en plus déstabilisante où se mêlent récit fantastique et critique de la société, et notamment du monde des relations avec, en son sein, la place faite à la réputation.
Sûrement pas le meilleur livre de Dostoïevski mais assurément un bon livre, peut-être trop avant-gardiste pour l'époque mais idéal pour les lecteurs de notre temps. Un livre qui m'encourage toujours plus à découvrir l'oeuvre du grand Dostoïevski.