L'un des premiers livres du grand Dostoïevski et l'on sent déjà le potentiel, même si ce potentiel n'est pour moi pas totalement exploité dans ce livre.
Comme toujours avec cet auteur, nous faisons la connaissance d'un personnage extrêmement névrosé, voir aliéné dans ce cas précis. Il s'agit de Monsieur Goliadkine, un vieux fonctionnaire, victime d'une paranoïa, se manifestant par un délire de persécution, particulièrement dans le cadre de son travail. Il voit surgir dans son quotidien, un double, qui est un parfait sosie physique. Celui-ci permet à l'auteur de retranscrire la psychologie complexe du personnage. Cela fait forcément écho à notre personnalité, car en effet personne n'est pour moi réellement limpide, nous avons forcément, névrosé ou pas, de multiples facettes et de multiples aspirations qui cohabitent au sein de notre personnalité, et se manifestent ou pas au gré des événements de notre vie, même sans être aliéné. Ainsi, on pourrait facilement s'imaginer de multiples versions de nous-même, car l'humain n'est pas un être monolithique.
Le concept du double, c'est-à-dire du dédoublement de la personnalité (voir du triplement), est tout à fait séduisant. La réflexion pouvait être passionnante, mais ne l'a pas été. Cette lecture m'a laissé un gout amer, dans le sens où le potentiel de ce livre était énorme, mais il a été gâché par une écriture trop lourde. Peut-être cela vient de la traduction, mais je n'ai pas ressenti cela avec d'autres livres du même auteur retranscrit par le même traducteur. Il m'est venu à l'idée que cela pouvait être volontaire pour coller à la psychologie lourde du personnage. (Faut-il rendre fou son lecteur pour lui faire ressentir la folie ? ) Toujours est-il que la lecture a été rapide, mais parfois pénible, car l'auteur se perd en détails, le discours est confus, certaines pages ne veulent rien dire, car le personnage bafouille tout du long, et l'on suit le cheminement de ses pensées incohérentes.
En conclusion, le roman "Le Double" prend pour base un bon concept susceptible de nourrir une réflexion chez le lecteur, mais Dostoïevski aurait pu mieux l'exploiter. Certaines scènes sont palpitantes et bien décrites, comme celle du bal, mais le style lourd, collant de trop près à la psychologie du personnage écrase pour moi le lecteur. C'était un risque à prendre, mais cela ici constitue un obstacle au développement de l'intrigue. Cela reste un premier roman intéressant, qui dénote tout le potentiel de l'auteur, familiarise avec son style difficile, et surtout avec ses thématiques.