Ce livre est la publication intégrale de la plaidoirie de l’auteur, avocat de Charlie Hebdo, lors du procès des attentats de janvier 2015. Richard Malka y revient sur la genèse de la crise des caricatures, retraçant comment une manipulation mêlant vrais et faux dessins a entrepris d’enflammer les esprits dès 2006, comment la plupart des personnalités en vue, politiques et intellectuelles, ont aussitôt cédé du terrain dans des prises de position visant l’apaisement, et comment la réprobation générale a fait de Charlie Hebdo la cible désignée aux exactions que l’on connaît.
Dans une argumentation remontant aux apports fondamentaux des Encyclopédistes et de leur esprit critique au siècle des Lumières, l’auteur s’alarme de nos doutes et de nos compromissions face à la terreur, tandis qu’ils ouvrent la porte à la remise en cause d’acquis aussi essentiels que la liberté de penser, d’objecter, de s’exprimer. Renoncer à critiquer une religion, c’est accepter la mise au pas de la pensée et de la raison, prôner l’inaccessibilité de certaines idées au débat, laisser la conviction s’imposer par la force. Reconnaître la supériorité absolue d’une religion, c’est permettre l’intolérance autant que soumettre l’intelligence, c’est faire le lit de l’obscurantisme et du despotisme : une triste réalité où se débattent bien des peuples aujourd’hui privés de la plus élémentaire liberté, et qui ne devrait pouvoir prétendre mettre un pied dans le pays des Droits de l’Homme sans rencontrer une réaction catégorique, franche et massive.
Alors quand, au nom d’une certaine conception – toute humaine –, de la suprématie divine, les locaux d’un organisme de presse sont incendiés, ses rédacteurs assassinés, un professeur décapité, rester sans réaction, ou pire, céder à l’intimidation d’une quelconque façon, revient à accepter le ver dans le fruit, comme s’il n’allait pas finir par le dévorer tout entier. Une forme de lâcheté dont, appliquée à un autre contexte d’extrême intolérance, celui des années trente, on a vu l’exorbitant prix qu’elle peut mener à payer ensuite…
Richard Malka nous livre un texte pesé dans chacun de ses mots, aussi fulgurant dans son imparable argumentation que touchant dans sa tendresse manifeste pour ses amis de Charlie Hebdo, tués pour quelques traits de crayon symbolisant notre liberté face à l’oppression de l’obscurantisme. Un livre essentiel, à mettre entre toutes les mains, qui ne peut que forcer le respect pour cet homme menacé et contraint de vivre sous protection. Coup de coeur.
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