Il est devenu écrivain sur un coup de tête. Et dès son premier roman, les planètes se sont courtoisement alignées. D'aucuns y verraient un coup de chance, James M. Cain savait où était sa place. Son histoire ressemble un peu à celle d'un voyageur itinérant, passant d'un travail à un autre (qu'il jugea "insignifiants"). Les mots l'attirent, de même que les évènements ponctuant la vie de ses semblables. Il trouve son style lors d'une escapade en Californie début des années 30, et décide de le faire jaillir de la bouche de son personnage. Un langage limpide, ramassé voire turbulent. Le tempo idéal pour sonder un anti-héros vagabond, sans attache ni objectif. Le Facteur sonne toujours deux fois est aujourd'hui considéré au même titre que les écrits signés Hammett ou Chandler, pourtant Cain ne se reconnait pas réellement dans le polar ou le hard-boiled. Si on passe outre les similarités dans l'écriture, l'auteur se voyait plutôt comme un romantique. La passion est effectivement au cœur de cette histoire, mais comme le reste elle est insolite...et partiellement vraie. Librement inspiré du procès de Ruth Brown Snyder et son amant Henry Judd Gray pour le meurtre du mari Albert Snyder en 1927, l'intrigue s'attache essentiellement à décrire l'amour destructeur entre Frank et Cora. Deux caractères dissemblables, une incertitude croissante quant à leurs sentiments et l'issue de cette machination censée les libérer. Le livre s'accompagne d'une bonne dose de cynisme, personnifié avec l'avocat Katz (lointain parent de Saul Goodman). Néanmoins, Cain ne va pas ménager le petit couple toxique. Les quelques 200 pages s'envoient d'une seule traite. Si la traduction française mériterait bien deux-trois révisions, la tension et le plaisir sont comparables à une aventure sans lendemain. Pour le romancier, ce ne sera pourtant qu'un glorieux point de départ vers une carrière des plus solides (Mildred Pierce, Assurance sur la mort).