Il se dévore comme un sandwich un soir de cuite, ce bouquin. Il mélange le classique duo meutre/sexe qui fonctionne aussi bien qu'un buddy movie - ou, pour reprendre la métaphore, aussi bien que de la fausse viande de mouton avec des frites et de la sauce samouraï.
C'est une œuvre des âmes perdues, noire comme un régiment entier de trous du cul (elle n'est pas de moi celle-là, mais de Chandler), qui met aux prises un vaurien bohème, une femme aux rêves brisés, et ce pauvre grec qui n'a rien demandé à personne, débonnaire et sympathique dont le principal défaut est d'être le portrait craché du type qui tient le snack en bas de chez vous. Ils sont Frank, Cora et Nick, les deux premiers, amants ; le dernier, cocu. Ils sont maudits, tous autant qu'ils sont, Nick d'avoir accueilli le diable en sa demeure et de lui avoir poussé la chansonnette, les deux autres d'avoir embrassé la damnation un sourire aux lèvres et le membre frétillant.
Le Facteur sonne toujours deux fois est une tragédie moderne, triste et cynique comme ses personnages, qui ne laisse jamais l'occasion au bonheur de s'enraciner, qui reprend plus qu'elle ne donne, jusqu'à châtier ceux qui en ont toujours voulu plus.