Hier, pour la première fois depuis 1976, Sir Terry Pratchett n'a pas été drôle. La mort est venu* le chercher (*la mort est un personnage masculin dans le Disque-Monde), et celui dont le blason depuis qu'il a été anobli (c'est bien la première fois que le terme de noble correspond parfaitement à la réalité) disait : Noli Timere Messorem (ne craignez pas la faucheuse), l'a sans doute accueilli comme un vieil ami.
On savait tous que Pratchett était gravement malade, et on s'attendait à son décès prochain. Mais quand un ami vous quitte, on a beau être préparé, ça fait toujours de la peine. Terry était atteint d'une atrophie corticale postérieure, une forme rare et tout à fait particulière de la maladie d'Alzheimer qui lui faisait oublier les formes. Terry était devenu incapable de faire la différence entre un casse-croute au bacon et un clavier d'ordinateur, ou un suppositoire et un chapeau, ce qui sans la surveillance constante de sa famille aurait pu poser souci. Néanmoins, ni sa mémoire, ni ses capacités intellectuelles n'étaient touchées, ce qui fait que Terry était toujours capable d'écrire en dictant ses derniers romans.
Il fallait bien s'attendre à ce qu'un cerveau aussi particulier que celui de Sir Terry ait été atteint d'une maladie pratiquement aussi loufoque que l'univers déjanté qui en était sorti.
En apprenant ça, Terry était parti en croisade. Normal pour un chevalier me direz vous! En croisade pour la mort assistée, le libre choix pour une personne de décider du moment de sa mort lorsqu'elle est atteinte d'une maladie grave. Cela avait fait grand bruit outre manche, étant donné la réputation de Pratchett, et cela avait permis d'ouvrir le débat concernant l'euthanasie chez les bouffeurs de fish and chips.
Mais ce n'est pas pour cela que Pratchett était connu et aimé par tant de personnes autour du globe. C'était pour son imagination folle, pour son humour ravageur, pour son univers loufoque, satire des dingueries de notre monde passées à travers le filtre rigolard et philosophique de ce grand Monsieur. Les gens aimaient Pratchett parce que c'était un génie. Les gens aimaient Pratchett parce qu'il était comme un rayon de lumière octarine au millieu d'un désert d'obscurité.
Pratchett, c'était Swift en plus drôle, Voltaire dans ses meilleurs contes philosophiques s'il avait tout compris de la nature humaine, et avait été une meilleure personne. C'était un philosophe antique qui ne se prenait pas au sérieux et considérait que la philo, c'est pas du jargon pour des vieux moisis universitaires. C'était ce qu'on a fait de plus drôle sur cette planète depuis les Monty Python et Douglas Adams. C'était quelqu'un qui cachait un rage totale envers la stupidité, l'injustice, le comportement aberrant des êtres humains, la vision à court terme des individus et des gouvernements, sous les dehors d'une fantasy légère. Sir Terry était un chevalier! Mieux, c'était un héros! Le dernier héros... Pour moi en tout cas, ça ne fait aucun doute.
Bon, et en ce qui concerne ce livre? C'est le deuxième tome du cycle consacré directement à la mort (un personnage récurrent dans l'ensemble des annales du Disque-Monde), et comme toujours, c'est génial (et Pratchett n'est que bon lorsqu'il n'est pas en forme). Voilà, ça devrait vous suffire comme critique pour vous inciter à lire le plus vite possible ce bijou de littérature que sont les annales du Disque-Monde.
Terry Pratchett est mort parait-il et ça me rend bien triste, c'était comme un ami qui me parlait directement dans la tête, mais on sait jamais, il faut vérifier si il n'a pas laissé un panneau près de son lit qui dit: "I ain'tent dead" (Chuis pas mort avec la traduction de Couton).
Adieu PTerry
- Oh, vous êtes là depuis longtemps?
- JE SUIS TOUJOURS PLUS OU MOINS LA SIR TERRY
- J'ai comme la sensation de vous connaitre, mais je ne me rapelle pas bien.
-JE SUIS SUR QUE VOUS ALLEZ VOUS RAPELLER
-Je devais faire quelque chose... Ecrire, je crois... Je ne sais plus quoi
-...
-hey, mais vous êtes la mort, je me souviens maintenant
-C'EST LA FAUX, LES VETEMENTS NOIRS OU LE VISAGE SQUELETTIQUE QUI VOUS ONT MIS SUR LA VOIE?
-Est-ce que c'est douloureux?
-C'EST DEJA FAIT. VOUS AVEZ SENTI QUELQUE CHOSE?
- Non. Où on va maintenant?
-C'EST VOUS QUI DECIDEZ SIR.
- Un endroit ou on peut écrire, c'est possible?
-TOUT EST POSSIBLE TERRY. JE CONNAIS UN ENDROIT QUI DEVRAIT VOUS PLAIRE. IL FAUT VOYAGER LOIN. AU DELA DE L'ESPACE ET DU TEMPS. AU DELA DES MENSONGES. VERS DES ZONES D'IMPROBABILITE ELLES MÊMES IMPROBABLES, ET ON LA TROUVERA
-Quoi?
-LA GRANDE A'TUIN, ET DESSUS, LES QUATRE ELEPHANTS, ET LE DISQUE QU'ILS SOUTIENNENT.
- ça a l'air marrant, je suis partant.
-VOUS AVEZ DES AMIS QUI VOUS Y ATTENDENT
-Et bien, allons-y.
Et Terry quitta ce monde bras dessus, bras dessous avec la mort pour ne plus jamais y revenir...