Second tome de la saga Rigante, Le Faucon de Minuit narre l'histoire de Bane, fils "bâtard" de Connavar, désormais roi des Rigantes et héros dont les faits d'armes légendaires sont entrés dans la postérité. Gemmel place son histoire en terrain connu, puisqu'il s'agit ici de la continuité directe, ou presque, du premier tome. Les personnages et les différentes appellations de peuples sont donc désormais familiers, Gemmel nous "épargnant" ainsi l'introduction explicative de son univers. Il est une règle coutumière, commune aux films et aux livres, qui expose que la qualité d'une suite n'excède jamais celle du premier tome. Une fois n'est pas coutume, et c'est le cas de le dire, Le Faucon de Minuit n'est pas l'exception confirmative. Mais c'est tout de même heureux, puisque la onzième étoile n'existe pas, et j'aurais été bien ennuyé dans ma notation...

Toujours est-il que cette digne suite demeure passionnante et d'une richesse ma foi des plus intéressantes. Je dois tout de même reconnaitre qu'il m'a fallu lire le quart du bouquin avant de finir par accepter Bane comme personnage central plutôt que Connavar, héros auquel j'avais, comme beaucoup sûrement, vraiment accroché. Mais Bane est son digne descendant, et les points communs entre les deux personnages sont si flagrants qu'au final, on se laisse docilement entrainer là où Gemmel veut nous transporter. Toutefois, bien que du point de vue de leur physique et de leur personnalité respectifs les ressemblances soient frappantes, le contexte de leur évolution, leur insertion sociale au sein des Rigantes, ainsi que les événements et épreuves jalonnant leur vie sont radicalement différentes.

Ainsi, Bane, pour une raison que je ne détaillerai pas afin de ne pas spoiler le tome 1, est totalement rejeté par son père et, comme celui-ci est un héros légendaire pour les Rigantes, ces derniers rejettent également le fils de Connavar, bien qu'il ait hérité en majeure partie de son physique et de ses traits de caractère principaux. D'apparence, Bane est comme l'était son père à son âge, bâti comme un vrai guerrier nordique, prompt à la colère et fier, mais courageux et loyal. Père et fils renferment tout deux une sauvagerie incroyable au fond de leur âme, mais le tracé de leur existence n'a absolument aucune similitude dans la forme. Alors que Connavar, au même âge, était aimé et respecté par les plupart de ses connaissances, Bane est lui, au contraire, violemment rejeté par les Rigantes, et se contente d'avoir pour seuls amis Banouin, le fils de Banouin l'étranger et de la "sorcière" Vorna, ainsi que cette dernière. Indirectement contraint à l'exil, Bane va quitter les terres des Rigantes pour accompagner Banouin, lequel avait pour désir intime de rallier l'empire Roc, terres de ses origines paternelles. Et l'aventure commence...

Cette fois, Gemmel mêle avec doigté le mystique (le peuple magique des Seidhs), sans le faire disparaitre pour autant, avec une approche théologique des croyances des hommes et les fondements d'une religion que l'on connait bien. Sa vision de la naissance du christianisme, qu'il nomme "culte de l'Arbre", croyance servant les préceptes de la Source, est à mon sens magistrale. La Dame au Voile, icône de ce culte prônant l'amour et l'harmonie envers tout et tous, prêche la bonne parole et semble accomplir des miracles. La terre a besoin de magie pour se nourrir et survivre, et tous les actes de bonté désintéressés sont cette magie nourrissante. Voilà en quoi consiste une part de la magie chez Gemmel. Fantastique. Les gouvernants de la civilisation de Roc sont des être qui dénigrent le concept même de communion avec la terre, ils se l'approprient, la détruisent, et bâtissent l'éphémère sur l'éternel, jusqu'à faire disparaitre l'éclat symbole d'espoir de ce dernier. Leur esprit est corrompu par l'autosuffisance, l'égoïsme, l'arrogance et l'instinct de possession et de pouvoir sur leur environnement.


C'est ainsi que les fondements de la civilisation de Roc, Rome si vous préférez, offrent déjà une vision des prémices de son effondrement. Les adorateurs du culte de l'Arbre sont traqués et massacrés sans pitié, mais plus ces défenseurs de "l'amour" et de la non-violence sont persécutés, laissant Roc penser à leur extermination prochaine, plus le nombre de leurs adeptes grandit. Oui, car ces razzias plantent les graines d'une haine dans le cœur des hommes. Une haine qui conduira les moutons, peuple de Roc, à soupçonner quiconque appartenir au Culte de l'Arbre. Suspicion, avidité, jalousie, cruauté, tous ces sentiments seront contrôlés et entretenus par un pouvoir corrompu de bout en bout. Mais tout a des conséquences. Tout cela crée une ambiance de terreur au cœur de a population, et les gens commencent à ne plus pouvoir supporter toutes ces injustices. Et lorsque l'on est témoin de l'exécution d'innocents, la colère monte. L'on cherche alors à se défendre si nos vies ou celles de nos proches sont menacées. Car les gens finissent par comprendre que les adorateurs du Culte de l'Arbre ne sont qu'une partie des victimes de razzias. Alors, le pouvoir devient l'ennemi potentiel. Et ainsi, le peuple commence à s'intéresser à l'ennemi de son ennemi. Le Culte de l'Arbre.

Petite citation de Rage, mentor de Bane :
"La religion est une bête étrange. Elle prospère quand on la persécute. Après trois années de buchers, de pendaisons et de tortures, il y a probablement aujourd'hui plus de membres du Culte de l'Arbre qu'au commencement."

Mais la plus grande arrogance de Roc est encore de croire qu'une civilisation peut être éternelle. Grossière erreur, dont l'homme semble ne jamais apprendre...
Taurusel
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le 23 juin 2012

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le 30 août 2012

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Taurusel

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