J'ai été un habitué de King pendant très longtemps, et je n'ai pu m'empêcher de lire ce pavé apocalyptique qui avait pourtant de bonnes idées de base.
Quand Stephen va trop loin dans le développement de ses romans et finit avec un pavé si gigantesque et indigeste, c'est mauvais signe.
On peut citer comme exemple Dôme ou Ça qui font partie de ses romans interminables et qui ont tourné vers l'ennui et un climax encore plus ennuyeux...
Ça commençait si bien, nous sommes dans les Etats-Unis contemporains où une catastrophe sanitaire prend place et décime rapidement le monde entier.
Franchement au niveau socio-politique c'est intéressant, on constate comment les états tentent médiocrement de réparer les dégâts en jouant sur la peur et en utilisant la violence.
Mais même là, malgré le fait que ce soit prenant, terrifiant et jouissif, Stephen King joue trop sur le manichéisme, il y a les gentils héros qui dénoncent ce qui se passe, de manière très superficielle d'ailleurs, et les méchants qui profitent de la pandémie.
Ensuite démarre un périple pour les derniers survivants, immunisés, qui sont isolés et éparpillés dans toute l'Amérique. Et là ils ont des cauchemars à se faire pipi dessus avec le méchant homme noir et des rêves avec la gentille mère Abigail qui représente l'innocence suprême.
Du coup les personnages sont soit d'un côté soit de l'autre. Si seulement King avait fait une simple histoire post-apo avec des périples de survivants mais sans rentrer dans le concept fantastique avec la magie noire et la magie blanche,ça aurait été bien plus intéressant et moins conte de fées puéril.
Parce que là, il y a peu de personnages qui posent question quant à leur appartenance au gentil bien ou au méchant mal (oui parce que King adore la morale, surtout religieuse). On a un personnage qui m'a marqué tellement il est grotesque, Harold Lauder, le cliché de l'ado puceau qui au début est dans le camp des "gentils" et puis paf, il devient frustré donc il commence à poser des bombes, à écrire un livre subversif et à rejoindre une fille méchante (elle aussi frustrée des hormones) et rejoindre le camp de l'homme noir. Bref, un exemple de manque de subtilité de King dans son interprétation de la psychologie et des rapports humains.
La vision du fascisme dans la version de Vegas post-apo, qui rassemble tous les méchants manipulés par l'homme noir, est beaucoup trop basique est grotesque. Le fascisme a des idéaux derrière qui justement peuvent le rendre séduisant, mais là ça se limite à: "boum je vais détruire le camp d'en face et crucifier les toxicomanes, regardez comme je suis maléfique" d'ailleurs Randall Flagg, autre nom de l'homme noir que l'on retrouve à plusieurs reprises dans l'œuvre de King, est montré ici comme un personnage puéril qui fait joujou avec la magie. En fait, non, Stephen, pas besoin de magie pour dénoncer le fascisme, tu fais juste un personnage charismatique qui a des objectifs bienveillants, du genre rassembler les survivants de manière ordonnée, et tu aurais pu justifier la violence par la suite, mais là c'est juste un personnage qui représente le mal, parce que c'est un sorcier, et les gens qui le suivent sont complètement tarés. Or, c'est une vision assez naïve du totalitarisme. Les gens qui ont voté Hitler ou soutenu Mussolini n'étaient pas forcément frustrés sexuellement ou tarés comme dans le roman, ils vivaient simplement dans la peur et manquaient de clairvoyance, tu aurais pu jouer sur ça, King, dans un monde post-apo, il est logique que les gens aient peur et se divisent, mais non, tu as surtout joué sur une psychologie de comptoir pour tes personnages et résultat, tu ne savais tellement pas où tu voulais en venir que ta fin était bordellique et deus ex machina.
Pour terminer sur la fin, l'intervention divine aux côtés de ô sainte mère Abigail priez pour nous pauvres pécheurs, c'est tout simplement n'importe quoi, et je pèse mes mots. N'importe quoi! Deus ex machina, un enfant de douze ans en ayant lu la moitié du roman aurait pu imaginer cette fin, rien de plus facile. Notre auteur va même jusqu'à exterminer près de la moitié de la population américaine pour sa critique simpliste du fascisme. Encore, ok, la bombe atomique, avec la pyromanie du personnage de Trashcan Man, on aurait pu le voir venir, mais King a eu besoin de faire intervenir un dieu pour justifier la sainte morale des héros de son roman.
Et résultat, les méchants ils meurent, ils avaient qu'à pas être méchant, et les gentils recréent l'Amérique, sans y changer grand chose dans son système d'ailleurs...
Franchement j'ai été sympa de mettre quatre étoiles, parce que j'ai apprécié de lire cette épopée quand j'étais plus jeune, et après, en y repensant, je me dis que parfois quand on est jeune on a des goûts un peu facile, et puis on devient plus subtil.
Arrête de faire des longs romans, continue de nous régaler avec des histoires d'horreur simple comme tu as pu en faire avec Pet Sematary ou Thinner, mais la politique, c'est pas trop ton truc, Steve, admets-le.